Premier Chapitre
10 OCTOBRE 20201. Maison de la famille Cario – 06 h 43.
Les rues du Faubourg, lovées dans le silence gorgé de promesses précédant l’aube, étaient encore désertes à cette heure matinale. Dans quelques heures, le quartier s’éveillerait et retrouverait cette effervescence innocente, cette animation conviviale qui le caractérisait. À l’est, une lueur brillante et rosée commençait à déchirer la toile noire qui emplissait le ciel. Remplaçant progressivement l’obscurité, un soleil d’une blancheur éclatante n’allait pas tarder à se lever, apportant espoir et réconfort au monde des hommes noyé dans un océan d’incertitude absolue. Prémices d’une chance nouvelle accordée aux âmes en quête de rédemption. Présages d’un souffle salvateur pour les âmes errantes à la recherche d’une conscience.
Dans la modeste maisonnée du 16 rue Saint-Jacques, une ampoule à LED brillait discrètement à travers l’une des fenêtres du rez-de-chaussée. Assis à la table de la cuisine, Arthur Cario, habitué à se lever aux aurores, savourait tranquillement son petit-déjeuner. Le jeune médecin appréciait avec une certaine délectation ce doux moment de calme avant le déferlement de tension nerveuse qui emportait bien souvent sa journée. Trempant distraitement ses tartines beurrées avec gourmandise dans son café bien serré, il profitait de cet instant de quiétude pour se plonger dans les actualités du jour.
Bien que la pratique de son métier fût inévitablement accompagnée de lourdes responsabilités et d’une charge de travail conséquente, Arthur s’efforçait de se tenir informé des événements concernant sa ville et ses alentours. Il ne voyait pas son existence comme une étoile filante qui tracerait sa route sans se soucier de la trajectoire de ses semblables. Il considérait plutôt sa vie comme l’infime particule d’une entité tentaculaire tissant les liens entre les destinées, comme si les vies de tous les êtres vivants s’entremêlaient dans un tourbillon d’énergie inépuisable et imprévisible. Avec le recul, le jeune père de famille se rendait compte qu’il ne représentait qu’un grain de poussière insignifiant prisonnier de ce tourbillon jusqu’à la fin de ses jours.
2. Maison de la famille Cario – 06 h 47.
Arthur balayait d’un geste désinvolte sa tablette tactile, survolant du doigt les nouvelles sportives et les articles évoquant des guerres lointaines, des avancées diplomatiques sur l’échiquier politique mondial ou la mise en place de mesures écologiques inédites pour ralentir la détérioration inexorable de la planète. Comme chaque matin, le médecin s’intéressa tout particulièrement à l’actualité de son quartier natal. Quotidiennement, le journal local officiel regorgeait d’informations vantant les bienfaits des orientations économiques prises par la famille du Pont, la lignée d’aristocrates qui gouvernait la ville.
Bien qu’il ait été contraint de tolérer l’existence d’un Comité d’habitants sur chaque rive de la cité, le Baron régentait ses terres tel un monarque autoritaire qui souhaitait s’approprier tous les pouvoirs. Les Comités, organes décisionnaires censés contrebalancer l’influence sans partage de la famille du Pont, avaient pour but de donner l’illusion aux citoyens qu’un semblant de démocratie vivotait au sein de la capitale. Mais personne dans la bourgade n’était dupe. Le système politique de la ville s’approchait davantage d’une dictature que d’une république dans laquelle le peuple pouvait faire entendre sa voix.
La rive droite de la cité, lieu de résidence du Baron et de la plupart des familles bourgeoises de la ville, acceptait sans la moindre protestation la domination écrasante du dirigeant. La rive gauche, essentiellement représentée par le Faubourg et ses hameaux disparates, relevait d’une tradition populaire au caractère bien plus rebelle. Cette moitié contestataire de la ville supportait difficilement le joug brutal et implacable du Baron Hervé. Le monarque forçait les habitants revêches du Faubourg à ployer l’échine devant lui en assommant ses sujets de lourdes taxes qui allégeaient considérablement leurs maigres revenus. La liberté du peuple s’arrêtait là où commençait l’ambition dévorante du Baron.
3. Maison de la famille Cario – 06 h 51.
Les yeux lourds de fatigue du médecin restaient rivés sur son écran. La liberté de la presse était pour le moins malmenée face à l’hégémonie des nobles de la cité. Le seul journal qui ne subissait aucune censure demeurait la publication subjective sortie tout droit des bureaux des journalistes rémunérés par le pouvoir en place. Les lecteurs qui souhaitaient se procurer des bulletins d’informations objectifs étaient contraints de consulter sur la Toile des sites non homologués qui se risquaient à publier des articles dévoilant sans détour la rude réalité du quotidien des habitants de la ville dirigée par du Pont, insistant sur les manquements et les égarements du régime politique institué depuis deux décennies.
Arthur connaissait plusieurs sites clandestins susceptibles de divulguer ce genre de renseignements confidentiels. L’un de ses plus proches amis, fervent défenseur des droits des citoyens du Faubourg, était d’ailleurs à l’origine de la création de l’un de ces médias qui révélaient les sombres secrets des gouverneurs de la cité. En surfant sur le site d’informations illicite conçu par son camarade, le jeune père de famille ne fut pas surpris de découvrir, dans les pages traitant des actualités de sa ville, des articles particulièrement véhéments à l’encontre des dernières mesures économiques adoptées par les propriétaires du Château du Pont, qui se servaient du moindre prétexte pour accentuer l’asservissement de la population du Faubourg et, par la même occasion, punir ou refréner toute velléité de rébellion.
D’après la page qu’Arthur s’était mis à lire, la dernière décision en date était la baisse des subventions accordées aux associations sportives du quartier de la rive gauche. Cette ordonnance, d’une injustice flagrante, découlait du verdict accablant que seuls les jeunes sportifs résidant du côté droit du Pont étaient autorisés à concourir dans les championnats du pays, quelle que soit leur discipline. Les athlètes inscrits dans les clubs du Faubourg se retrouvaient donc limités aux épreuves locales, ce qui diminuait sensiblement la portée de leurs exploits et bridait leur progression. Un deuxième article, d’une réalité bien plus inquiétante, évoquait le report des travaux de rénovation des canalisations de gaz des rues du Faubourg, leur tuyauterie vieillissante nécessitant pourtant une réfection urgente pour des raisons de sécurité. Malheureusement, il apparaissait que le danger évident qui menaçait la population de la rive gauche ne faisait pas partie des préoccupations du Baron.
4. Maison de la famille Cario – 06 h 54.
Arthur ignorait de quelle façon son ami parvenait à se procurer les comptes rendus des conseils municipaux de la moitié huppée de la cité. Les séances se déroulaient en comité restreint et les détails des délibérations demeuraient souvent confidentiels, selon la volonté des dirigeants de la ville. Les citoyens du quartier ne découvraient les nouvelles mesures votées par la municipalité qu’en se procurant les publications officielles émanant des institutions liées au souverain du Pont. Au vu de la précision et de la véracité de ses informations, le camarade du médecin devait sans doute bénéficier de l’appui d’une connaissance siégeant au Comité de la rive droite, d’un contact espionnant pour son compte les réunions des gens de la haute. Peut-être est-il même parvenu à soudoyer l’un des membres du Comité de la moitié droite de la cité, songea Arthur avec une pointe d’amusement.
Le médecin connaissait suffisamment Samuel pour savoir que son ami ne reculerait devant rien pour parvenir à ses fins. L’homme était d’une opiniâtreté rare. Depuis plusieurs mois, il s’était mis en tête de révéler au plus grand nombre l’attitude hautaine et irresponsable du chef de la cité et le peu d’intérêt qu’il manifestait vis-à-vis des roturiers du Faubourg. Son statut respectable de pharmacien lui offrait une couverture idéale pour détourner les soupçons, et Samuel osait prendre des risques inconsidérés pour défendre les intérêts de son quartier. Sa volonté d’en découdre et sa soif de justice imposaient un profond respect.
Parfois Arthur se surprenait à envier l’audace et la combativité dont son compère faisait preuve devant le pouvoir en place. Il aurait aimé trouver en lui le courage de se battre pour son quartier natal et se joindre à la lutte pour faire reconnaître les droits de ses habitants. Le jeune médecin trouvait révoltant le fait de voir la quiétude de son environnement et la prospérité du Faubourg dépendre du bon vouloir d’un aristocrate d’une condescendance horripilante. Devant le manque de considération que le Baron affichait à l’encontre de la rive gauche, Arthur craignait que cette partie de la ville à laquelle il était viscéralement attaché ne dépérisse inexorablement. Plus encore, il appréhendait les remords qui l’assailliraient si la ruine de son quartier s’opérait sans qu’il n’ait rien tenté pour empêcher ce désastre. L’ami de Samuel espérait de tout son cœur trouver un jour au fond de ses entrailles l’énergie nécessaire pour assumer avec bravoure ses idéaux et accomplir enfin son rêve.
Arthur leva les yeux de son écran, vida sa tasse de café et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Dehors, le ciel se teintait de nuances pourpres. Le jeune père de famille laissa son regard errer sur ce tableau d’une beauté époustouflante, son esprit introspectif vagabondant sur le sens à donner à son existence. De par sa vocation, il avait choisi d’emprunter le chemin parfois sinueux mais souvent valorisant de l’altruisme et de l’investissement envers son prochain. Le médecin y trouvait certes un épanouissement personnel indiscutable, mais il sentait qu’il pouvait mettre ses capacités au service d’une autre cause, d’un principe qui le dépassait. À cet instant, il ne se doutait pas qu’un jour cette intuition allait profondément modifier son existence.
5. Maison de la famille Cario – 06 h 58.
Du coin de l’œil, Arthur perçut un mouvement dans le couloir. Des pas feutrés se rapprochaient de la cuisine. Quelques secondes plus tard, la silhouette gracile et élégante de Maria se découpa dans l’encadrement de la porte. Son mari ne put s’empêcher de contempler la beauté époustouflante de son épouse dès les premiers instants du réveil. Les cheveux longs décoiffés de la jeune femme tombaient comme une cascade d’or sur ses épaules délicates. Des traces de fatigue se devinaient encore sur son joli minois aux traits gracieux. Son peignoir en soie resserré autour de sa taille exquise mettait divinement en valeur ses courbes sensuelles. Arthur savourait chaque matin la chance exceptionnelle qui avait mis cette sublime créature sur sa route.
— Déjà levée, ma chérie ? s’enquit Arthur, surpris de voir son épouse debout à cette heure un samedi matin.
De sa démarche légère, Maria s’approcha de son mari et déposa avec douceur un baiser sur sa joue. Puis elle avisa la cafetière posée sur le comptoir de la cuisine, se servit une grande tasse et s’installa à table face à son conjoint.
— Je n’ai pas vraiment réussi à fermer l’œil cette nuit, avoua la jeune femme en réprimant difficilement un bâillement. J’ai préféré me lever tôt plutôt que de regarder les heures défiler dans le lit. Et puis ça me donne l’occasion de souhaiter bon courage à mon homme avant qu’il ne quitte la maison pour commencer sa dure journée de labeur.
Arthur lui adressa un sourire complice. Maria porta sa tasse à ses lèvres et souffla sur son breuvage en fixant son époux de ses yeux pétillant de malice.
— C’est bien aujourd’hui que tu vas rendre visite à ta tante, n’est-ce pas ? demanda le médecin en refermant le clapet de sa tablette.
Maria se figea soudain sur sa chaise. Depuis qu’elle lui avait fait part de son souhait de renouer avec la sœur de sa mère, ils n’avaient jamais évoqué le sujet. Maria se souvenait lui avoir glissé la date de la rencontre du bout des lèvres un soir alors qu’il rentrait du travail. Elle ne pensait pas que son mari aurait attendu le dernier moment avant de montrer un quelconque intérêt pour ces retrouvailles. De surcroît, la jeune femme savait pertinemment que l’élu de son cœur n’appréciait guère la tante, une vieille dame au tempérament farouche.
Malgré sa silhouette menue, la vieille bique faisait preuve d’une gouaille associée à une franchise désarmante. La mégère ne se privait pas de claironner à haute voix ce que d’autres pensaient tout bas. Son inénarrable insolence lui avait parfois joué des tours par le passé, si bien qu’une grande partie de la famille de Maria lui avait tourné le dos. La femme d’Arthur, quant à elle, vouait depuis toujours une certaine admiration pour cette indomptable paysanne qui avait traversé les épreuves de la vie sans jamais courber l’échine. Sa combativité et sa force de caractère forçaient le respect. Mais ce qui impressionnait davantage encore la jeune mère, c’était la capacité de sa tante à décrypter les âmes, à lire en chaque personne qu’elle rencontrait comme dans un livre ouvert. Son regard aussi acéré que celui d’un rapace donnait la sensation désagréablement intimidante de se retrouver soudainement mis à nu.
6. Maison de la famille Cario – 07h03.
L’attitude déroutante d’Alice n’était pas le seul élément qui troublait le mari de Maria. Les gens du coin lui prêtaient des talents de magnétiseuse et de voyante. Certains habitants n’hésitaient pas à la consulter pour guérir des blessures, soulager des souffrances ou avoir connaissance de leur avenir. Arthur possédait un esprit cartésien. Il s’appuyait obstinément sur ses certitudes et ne laissait aucune place au rêve ou à la fantaisie. Pour lui et pour les autres personnes qui étaient investies d’un mode de pensée aussi étriqué, la vieille femme passait pour une illuminée, une prétendue diseuse de bonne aventure qui profitait de la crédulité des gens gagnés par le désespoir pour se bâtir une réputation et attirer sur elle un peu de lumière dans une vie sombre et solitaire. Il trouvait dangereux et aberrant le fait que les individus qui la côtoyaient comptent sur les élucubrations d’une vieille folle pour guider les choix de leur vie. Une fois, il avait demandé à son épouse combien de malheureuses destinées avaient pu être influencées par les conjectures de la tante. Maria avait été bien en peine de lui donner un chiffre, mais elle ne doutait pas qu’Alice ait vu défiler dans sa ferme plusieurs centaines de misérables en quête de réponses, de conseils ou tout simplement d’une oreille attentive.
La jeune mère comprenait parfaitement les réticences de sa moitié. En tant qu’homme de science, Arthur réfléchissait toujours de manière rationnelle, n’accordant guère de crédit à ce qui pourrait dépasser son entendement. Maria avait depuis longtemps abandonné l’espoir de lui ouvrir l’esprit sur la possibilité qu’il puisse exister des forces surnaturelles dont la portée lui échappait. Néanmoins, les choses auraient peut-être été différentes si le médecin avait daigné l’accompagner au moins une fois chez sa tante. Si seulement son mari avait assisté à une démonstration des capacités de guérisseuse de la vieille dame, il lui aurait au moins accordé le bénéfice du doute.
Le pouvoir de guérisseuse d’Alice avait largement contribué à sa renommée. Grâce au magnétisme qui parcourait son corps, elle pouvait accélérer des processus de cicatrisation et atténuer, sinon dissiper des douleurs. La rumeur prétendait qu’à une époque, même les nobles de la ville avaient eu recours à ses services. Certaines mauvaises langues affirmaient que ces soi-disant « miracles » étaient simplement l’œuvre de notre sainte nature qui avait octroyé à nos organismes un étonnant pouvoir de réparation et d’adaptation. Après avoir vu la tante Alice à l’œuvre, Maria était persuadée du contraire. Une étrange lueur dans le regard de la vieille dame lui donnait l’intime conviction que celle-ci possédait un don du Ciel.
7. Maison de la famille Cario – 07h09.
— Tu penses que je ne devrais pas y aller ? demanda Maria en scrutant le visage sévère de son mari.
— Tu sais ce que j’en pense, répondit Arthur d’un ton où perçait une pointe de réprobation. Cette sorcière ne m’inspire pas confiance. Tu comptes y emmener les enfants ?
Maria se ratatina sur son siège, mal à l’aise. Elle hocha lentement la tête, les yeux rivés sur sa tasse de café. Le père de famille poussa un soupir d’incompréhension. Au bout de plusieurs secondes d’un silence pesant, son épouse lui prit la main et la serra fort.
— Elle sera certainement ravie de voir des enfants débarquer chez elle, lui assura Maria, d’une voix qui se voulait la plus convaincante possible. Elle ne voit plus sa fille et ses petits-fils depuis longtemps…
— Si j’ai bien compris, elle ne peut se reprocher qu’à elle-même cette situation, la coupa Arthur, qui sentait monter en lui une bouffée de colère. Même toi, tu ne lui parlais plus jusqu’à tout récemment.
La jeune femme se tut, choquée par la dure réalité de cette remarque. Une vague de culpabilité la submergea. Elle s’en voulait d’avoir tenu cette pauvre veuve esseulée à l’écart de sa vie durant toutes ces années. Malgré les mésententes qui avaient pu se produire au sein de sa fratrie, Alice demeurait un membre à part entière de sa famille.
— Ta mère est au courant que tu as repris contact avec ta tante ? s’enquit Arthur en sachant pertinemment qu’il allait enfoncer le clou.
Rose, la mère de Maria, s’était brouillée avec sa sœur une douzaine d’années plus tôt. Les raisons de leur discorde n’avaient jamais été dévoilées directement à la femme d’Arthur. Malgré la pudeur manifestée par les membres de son clan, Maria avait réussi à percer ce secret bien gardé en laissant traîner une oreille curieuse lors d’un repas de famille.
8. Maison de la famille Cario – 07h14.
Lorsqu’elle était dans la fleur de l’âge, la beauté sidérante de Rose faisait des ravages parmi la gent masculine. Une foule de prétendants se massait à ses pieds, rivalisant d’attentions et d’ingéniosité pour séduire l’objet de leur fantasme. Parmi toutes ces sollicitations insistantes et ces tentatives parfois lourdes ou embarrassantes, Rose avait jeté son dévolu sur Charles, un ébéniste de grand talent qui lui vouait un amour d’une sincérité touchante.
Alice avait dès le départ désapprouvé le choix de son aînée. Elle considérait que sa sœur méritait un conjoint d’une classe sociale plus élevée. Selon ses dires, Rose s’était contentée d’un roturier de modeste condition, alors qu’elle aurait pu viser les sommets et s’offrir une vie de princesse, loin de la routine ennuyeuse du Faubourg. Au grand désarroi de la cadette, la mère de Maria avait opté pour une existence fade et insignifiante. Alice, fidèle à sa ligne de conduite, s’était empressée de donner à sa sœur son opinion sur cette union préjudiciable à tous ses rêves.
Suite à cette querelle, la relation entre les deux sœurs s’était fortement dégradée. Alice et Rose ne se fréquentaient plus qu’en de rares occasions, la mère de Maria ayant érigé une barrière affective qui la maintenait à distance de l’influence néfaste que la cadette souhaitait exercer sur son destin. Maria jugeait cette situation totalement absurde et délétère. Au fond de leur cœur, les deux sœurs s’aimaient profondément. Sous ses manières rudes et maladroites, Alice se préoccupait avant tout du bonheur de son aînée. Mais chacune des deux femmes restait campée sur ses positions, refusant de faire le premier pas vers une réconciliation qui mettrait fin à cet énorme gâchis.
— J’aimerais lui donner une seconde chance, avoua Maria en plantant ses yeux emplis de détermination dans les prunelles grises de son époux. Je suis persuadée qu’elle n’a pas un mauvais fond. Elle a toujours ador