Premier Chapitre
1— Là ! Regarde !
Les deux hommes hâtèrent le pas et se frayèrent un passage entre les genêts et les ronces pour arriver près de la carcasse.
C’est d’abord l’odeur qui leur avait révélé sa présence, cette émanation caractéristique, tout à la fois douçâtre et écœurante de la chair en décomposition. Elle avait commencé à leur parvenir de manière à peine perceptible au milieu des effluves de la forêt, puis de plus en plus forte à mesure qu’ils approchaient.
Alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres, l’envol bruyant de deux corbeaux criant leur indignation d’être ainsi dérangés en plein repas, avait confirmé leurs soupçons et maintenant, ils l’avaient trouvée.
Ils en firent le tour, contemplant avec colère le corps mort. C’était un sanglier d’une quarantaine de kilos, un jeune mâle tué d’une balle, comme tous les autres.
Vincent Rouvret et Matthias Destrat échangèrent un regard et s’agenouillèrent près de la dépouille pour constater une nouvelle fois le carnage.
Ce n’était pas tant le fait qu’un individu abatte du gibier en toute illégalité qui faisait bouillonner leur sang que les obscures raisons pour lesquelles il le faisait. Ils auraient pu à la rigueur comprendre l’acte d’un braconnier tuant des animaux pour remplir son congélateur gratuitement. C’était répréhensible, mais l’action en soi avait un but logique, tuer pour manger était un acte naturel. Ils auraient même pu s’expliquer l’action d’un chasseur agissant pour le plaisir de la traque et de la mise à mort. En revanche, ce qu’ils ne pouvaient pas comprendre et encore moins tolérer, c’était que quelqu’un tue des bêtes dans le seul but de les éviscérer et les abandonner où bon lui semblait, de préférence là où cela causerait le plus d’émoi dans le paisible village de Dysangue-le-Vieux.
Lorsque la première dépouille avait été retrouvée six mois plus tôt, sur un chemin de randonnée, sans autre lésion que la balle fatale, ils avaient cru à un braconnier dérangé avant d’avoir pu prélever les meilleurs morceaux de la bête. Mais ensuite, ça s’était répété, à intervalles d’abord espacés, puis de plus en plus rapprochés. Comme une signature, le coupable attachait un ruban de satin rouge autour du cou ou sur le groin des sangliers, et, plus le temps passait, plus il semblait prendre plaisir à mettre en scène les carcasses.
Les chasseurs ulcérés menaçaient, s’ils trouvaient le coupable avant les gendarmes, de lui faire subir les mêmes outrages que ceux auxquels il s’était livré sur ses proies, tandis qu’un groupe de défenseurs des animaux pensait au contraire que celui que tout le monde surnommait le braconnier du diable était l’un des nemrods de la société de chasse qui assouvissait là ses plus vils instincts.
Chaque nouvel exploit de l’individu, engendrait une montée de tension entre les deux clans, tandis que les impartiaux, autrement dit la majeure partie du village, s’inquiétaient en se demandant si le coupable ne risquait pas un jour d’abandonner les animaux pour s’en prendre aux êtres humains.
— Il a emporté la tête ! dit Matthias, énonçant l’évidence. Où est-ce qu’il va encore aller la déposer ?
Même s’il essayait de n’en rien laisser paraître, ces événements le perturbaient au plus haut point. Ils le perturbaient en premier lieu parce qu’il ne parvenait pas à leur donner un sens et ensuite parce qu’ils étaient en train de transformer l’ambiance chaleureuse et bon-enfant de son village en un climat anxiogène et délétère où la peur rendait les gens méfiants et hargneux. Matthias n’échappait pas à la règle, lui aussi avait peur, pas pour lui-même, mais pour sa femme qui rentrait souvent tard de son travail et pour ses enfants, un adolescent et une toute jeune femme à qui il était difficile d’interdire de sortir le soir.
Pour la première fois, il était heureux que son fils préfère le foot et les jeux vidéo à la nature et à la chasse, contrairement à sa fille qui elle chassait et passait tout son temps libre à l’extérieur. L’idée que l’un des deux puisse connaître le même sort que l’animal qui gisait à ses pieds le rendait malade. Il en faisait des cauchemars la nuit, mais pour rien au monde il n’aurait voulu l’avouer à sa femme ou à qui que ce soit d’autre par crainte d’avoir l’air ridicule et passer pour un froussard même s’il était convaincu que derrière les rodomontades, plus d’un chasseur partageait ses angoisses. Le seul à qui il pouvait parler librement, c’était Vincent, son ami d’enfance, presque un frère. Ils étaient amis depuis l’école maternelle et chaque fois qu’il se trouvait face à un problème, Matthias savait pouvoir compter sur l’avis éclairé de Vincent. Il admirait son calme à toute épreuve et la façon dont il analysait froidement les choses pour trouver une solution au problème posé.
— Va savoir… maugréa Vincent en caressant d’un geste pensif sa barbe grisonnante. Si on ne le coince pas, très vite, ça va mal finir, ajouta-t-il comme pour lui-même.
— Tu penses qu’il va s’en prendre à quelqu’un ? crut deviner Matthias, presque heureux de constater que Vincent, qu’il croyait au-dessus de ça, commençait à connaître les affres de la peur.
— Non ! Depuis le temps que ça dure, s’il voulait tuer quelqu’un il l’aurait sûrement déjà fait. Ce qui m’inquiète, c’est que les gars parlent d’organiser des rondes de surveillance dans les bois, la nuit.
— Et alors ? Ça pourrait être la solution puisque les gendarmes et les gardes fédéraux n’ont pas réussi à mettre la main dessus, objecta Matthias, déçu de constater que Vincent ne partageait pas ses craintes. Des patrouilles bien organisées, avec des zones de surveillance bien définies, je trouve que ce n’est pas une si mauvaise idée.
— Des patrouilles bien organisées ! s’exclama Vincent. Tu veux que je te dise comment ça va se passer ? Même si on le leur interdit, les gars prendront leurs fusils pour se défendre parce qu’ils sont tous convaincus qu’un jour ou l’autre ce dingue va prendre un homme pour cible. Ils se diront que c’est juste au cas où, mais la nuit, dans la forêt, avec la peur au ventre, ils risquent de s’entretuer ou abattre la première personne qui aura le malheur de passer par là. Alors moi, je trouve que c’est une très mauvaise idée, la pire de toutes même.
En tant que président de la société de chasse, Vincent se sentait responsable de la sécurité des sociétaires et il entendait éviter tout dérapage, mais il savait qu’il ne pouvait pas surveiller chacun en permanence ni empêcher un certain nombre d’entre eux de passer outre ses recommandations et se lancer dans cette chasse à l’homme qu’ils entrevoyaient de plus en plus comme une évidence et qui risquait de se terminer en drame.
— Je n’y avais pas pensé, c’est vrai que ça pourrait-être dangereux, reconnut Matthias. Mais on ne peut quand même pas le laisser continuer sans rien faire.
— Bien sûr qu’il faut l’arrêter, mais sans risquer d’avoir des morts. Cet après-midi je dois voir le comte de Bressange pour en parler. Il aura peut-être une idée.
Cette dernière phrase amena une moue de désapprobation sur le visage de Matthias.
Le comte de Bressange était une légende vivante à Dysangue-le-Vieux. Descendant d’une très ancienne famille d’aristocrates, il ne s’en prévalait pas, disant au contraire à ceux qui l’appelaient monsieur le comte que c’était inutile, avant d’ajouter, en bon historien qu’il était, que les titres de noblesse n’avaient plus aucune valeur juridique depuis le 4 août 1789 date de l’abolition des privilèges. Néanmoins, par une ancestrale habitude, les habitants ne parlaient jamais autrement de lui qu’en l’appelant le comte. Et on parlait souvent de lui. Veuf depuis près de vingt ans, cet épicurien proclamé était connu pour ses excentricités et plus encore pour ses nombreuses conquêtes féminines réelles ou supposées.
Il avait cependant commis son fait d’armes le plus retentissant dans un tout autre domaine quelques années plus tôt. Croyant alors pouvoir ramener la paix entre les chasseurs et les randonneurs et les cueilleurs de champignons, il avait interdit la chasse sur la vingtaine d’hectares de forêt dont il était propriétaire. Si les amoureux de la nature et les promeneurs du dimanche louaient son geste, les chasseurs ne le lui avaient jamais pardonné.
— Le comte… dit Matthias d’un ton hésitant, sachant que Vincent ne partageait pas l’avis général. Tu sais qu’il y a des gens qui pensent que ça pourrait être lui qui…
— Et pourquoi pas ta femme ou la mienne ! l’interrompit brutalement Vincent.
— Mais il y a les livres qu’il écrit, il paraît qu’il y en a un qui parle des sangliers et de trucs de sorcellerie.
— Il est historien ! Ça fait partie de son travail, objecta Vincent en levant les yeux au ciel. Au Moyen Âge, les gens avaient toute sorte de croyances et de superstitions parce qu’ils n’étaient pas informés, on pourrait croire que c’est différent de nos jours, mais on dirait que ce n’est pas le cas.
— D’accord, c’est idiot de soupçonner le comte, capitula Matthias d’un air penaud, mais alors qui ? Qui et pourquoi ?
Ces questions Vincent se les était posées des dizaines de fois. Il avait tourné et retourné les faits dans sa tête en se demandant ce qui pouvait motiver quelque chose d’aussi irrationnel et sa logique cartésienne ne lui laissait entrevoir qu’une seule explication possible.
— Pour moi, c’est quelqu’un qui en avait marre des dégâts et des accidents causés par les sangliers et qui nous rend responsables de leur prolifération, nous les chasseurs, alors il a commencé par éliminer des bêtes une à une et quand il a vu le ramdam que ça déclenchait il s’est mis à faire ces saloperies avec les carcasses pour nous emmerder et monter tout le monde contre nous. Je parie qu’il doit bien rigoler en voyant les gens se soupçonner les uns les autres et se bouffer le nez sans parler de tout le foin que font les anti-chasses. Alors si nous ne voulons pas faire son jeu il faut garder son calme et laisser faire les gendarmes.
— Pour ce qu’ils en ont à foutre, grogna Matthias. Pour eux c’est juste un chasseur qui a perdu la boule.
— Ils ont un nouveau commandant, il fera peut-être bouger les choses.
— Si tu veux mon avis, il faudra que ce dingue tue quelqu’un pour qu’ils nous prennent au sérieux.
Comme pour donner à cette phrase le poids d’un sinistre présage, l’un des corbeaux qu’ils avaient dérangés vint se poser sur un chêne à quelques mètres d’eux et émit un puissant croassement.
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— Là ! Regarde !
Les deux hommes hâtèrent le pas et se frayèrent un passage entre les genêts et les ronces pour arriver près de la carcasse.
C’est d’abord l’odeur qui leur avait révélé sa présence, cette émanation caractéristique, tout à la fois douçâtre et écœurante de la chair en décomposition. Elle avait commencé à leur parvenir de manière à peine perceptible au milieu des effluves de la forêt, puis de plus en plus forte à mesure qu’ils approchaient.
Alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres, l’envol de bruyant de deux corbeaux criant leur indignation d’être ainsi dérangés en plein repas, avait confirmé leurs soupçons et maintenant, ils l’avaient trouvée.
Ils en firent le tour, contemplant avec colère le corps mort. C’était un sanglier d’une quarantaine de kilos, un jeune mâle tué d’une balle, comme tous les autres.
Vincent Rouvret et Matthias Destrat échangèrent un regard et s’agenouillèrent près de la dépouille pour constater une nouvelle fois le carnage.
Ce n’était pas tant le fait qu’un individu abatte du gibier en toute illégalité qui faisait bouillonner leur sang que les obscures raisons pour lesquelles il le faisait. Ils auraient pu à la rigueur comprendre l’acte d’un braconnier tuant des animaux pour remplir son congélateur gratuitement. C’était répréhensible, mais l’action en soi avait un but logique, tuer pour manger était un acte naturel. Ils auraient même pu s’expliquer l’action d’un chasseur agissant pour le plaisir de la traque et de la mise à mort. En revanche, ce qu’ils ne pouvaient pas comprendre et encore moins tolérer, c’était que quelqu’un tue des bêtes dans le seul but de les éviscérer et les abandonner où bon lui semblait, de préférence là où cela causerait le plus d’émoi dans le paisible village de Dysangue-le-Vieux.
Lorsque la première dépouille avait été retrouvée six mois plus tôt, sur un chemin de randonnée, sans autre lésion que la balle fatale, ils avaient cru à un braconnier dérangé avant d’avoir pu prélever les meilleurs morceaux de la bête. Mais ensuite, ça s’était répété, à intervalles d’abord espacés, puis de plus en plus rapprochés. Comme une signature, le coupable attachait un ruban de satin rouge autour du cou ou sur le groin des sangliers, et, plus le temps passait, plus il semblait prendre plaisir à mettre en scène les carcasses.
Les chasseurs ulcérés menaçaient, s’ils trouvaient le coupable avant les gendarmes, de lui faire subir les mêmes outrages que ceux auxquels il s’était livré sur ses proies, tandis qu’un groupe de défenseurs des animaux pensait au contraire que celui que tout le monde surnommait le braconnier du diable était l’un des nemrods de la société de chasse qui assouvissait là ses plus vils instincts.
Chaque nouvel exploit de l’individu, engendrait une montée de tension entre les deux clans, tandis que les impartiaux, autrement dit la majeure partie du village, s’inquiétaient en se demandant si le coupable ne risquait pas un jour d’abandonner les animaux pour s’en prendre aux êtres humains.
— Il a emporté la tête ! dit Matthias, énonçant l’évidence. Où est-ce qu’il va encore aller la déposer ?
Même s’il essayait de n’en rien laisser paraître, ces événements le perturbaient au plus haut point. Ils le perturbaient en premier lieu parce qu’il ne parvenait pas à leur donner un sens et ensuite parce qu’ils étaient en train de transformer l’ambiance chaleureuse et bon-enfant de son village en un climat anxiogène et délétère où la peur rendait les gens méfiants et hargneux. Matthias n’échappait pas à la règle, lui aussi avait peur, pas pour lui-même, mais pour sa femme qui rentrait souvent tard de son travail et pour ses enfants, un adolescent et une toute jeune femme à qui il était difficile d’interdire de sortir le soir.
Pour la première fois, il était heureux que son fils préfère le foot et les jeux vidéo à la nature et à la chasse, contrairement à sa fille qui elle chassait et passait tout son temps libre à l’extérieur. L’idée que l’un des deux puisse connaître le même sort que l’animal qui gisait à ses pieds le rendait malade. Il en faisait des cauchemars la nuit, mais pour rien au monde il n’aurait voulu l’avouer à sa femme ou à qui que ce soit d’autre par crainte d’avoir l’air ridicule et passer pour un froussard même s’il était convaincu que derrière les rodomontades, plus d’un chasseur partageait ses angoisses. Le seul à qui il pouvait parler librement, c’était Vincent, son ami d’enfance, presque un frère. Ils étaient amis depuis l’école maternelle et chaque fois qu’il se trouvait face à un problème, Matthias savait pouvoir compter sur l’avis éclairé de Vincent. Il admirait son calme à toute épreuve et la façon dont il analysait froidement les choses pour trouver une solution au problème posé.
— Va savoir… maugréa Vincent en caressant d’un geste pensif sa barbe grisonnante. Si on ne le coince pas, très vite, ça va mal finir, ajouta-t-il comme pour lui-même.
— Tu penses qu’il va s’en prendre à quelqu’un ? crut deviner Matthias, presque heureux de constater que Vincent, qu’il croyait au-dessus de ça, commençait à connaître les affres de la peur.
— Non ! Depuis le temps que ça dure, s’il voulait tuer quelqu’un il l’aurait sûrement déjà fait. Ce qui m’inquiète, c’est que les gars parlent d’organiser des rondes de surveillance dans les bois, la nuit.
— Et alors ? Ça pourrait être la solution puisque les gendarmes et les gardes fédéraux n’ont pas réussi à mettre la main dessus, objecta Matthias, déçu de constater que Vincent ne partageait pas ses craintes. Des patrouilles bien organisées, avec des zones de surveillance bien définies, je trouve que ce n’est pas une si mauvaise idée.
— Des patrouilles bien organisées ! s’exclama Vincent. Tu veux que je te dise comment ça va se passer ? Même si on le leur interdit, les gars prendront leurs fusils pour se défendre parce qu’ils sont tous convaincus qu’un jour ou l’autre ce dingue va prendre un homme pour cible. Ils se diront que c’est juste au cas où, mais la nuit, dans la forêt, avec la peur au ventre, ils risquent de s’entretuer où abattre la première personne qui aura le malheur de passer par là. Alors moi, je trouve que c’est une très mauvaise idée, la pire de toutes même.
En tant que président de la société de chasse, Vincent se sentait responsable de la sécurité des sociétaires et il entendait éviter tout dérapage, mais il savait qu’il ne pouvait pas surveiller chacun en permanence ni empêcher un certain nombre d’entre eux de passer outre ses recommandations et se lancer dans cette chasse à l’homme qu’ils entrevoyaient de plus en plus comme une évidence et qui risquait de se terminer en drame.
— Je n’y avais pas pensé, c’est vrai que ça pourrait-être dangereux, reconnut Matthias. Mais on ne peut quand même pas le laisser continuer sans rien faire.
— Bien sûr qu’il faut l’arrêter, mais sans risquer d’avoir des morts. Cet après-midi je dois voir le comte de Bressange pour en parler. Il aura peut-être une idée.
Cette dernière phrase amena une moue de désapprobation sur le visage de Matthias.
Le comte de Bressange était une légende vivante à Dysangue-le-Vieux. Descendant d’une très ancienne famille d’aristocrates, il ne s’en prévalait pas, disant au contraire à ceux qui l’appelaient monsieur le comte que c’était inutile, avant d’ajouter, en bon historien qu’il était, que les titres de noblesse n’avaient plus aucune valeur juridique depuis le 4 août 1789 date de l’abolition des privilèges. Néanmoins, par une ancestrale habitude, les habitants ne parlaient jamais autrement de lui qu’en l’appelant le comte. Et on parlait souvent de lui. Veuf depuis près de vingt ans, cet épicurien proclamé était connu pour ses excentricités et plus encore pour ses nombreuses conquêtes féminines réelles ou supposées.
Il avait cependant commis son fait d’armes le plus retentissant dans un tout autre domaine quelques années plus tôt. Croyant alors pouvoir ramener la paix entre les chasseurs et les randonneurs et les cueilleurs de champignons, il avait interdit la chasse sur la vingtaine d’hectares de forêt dont il était propriétaire. Si les amoureux de la nature et les promeneurs du dimanche louaient son geste, les chasseurs ne le lui avaient jamais pardonné.
— Le comte… dit Matthias d’un ton hésitant, sachant que Vincent ne partageait pas l’avis général. Tu sais qu’il y a des gens qui pensent que ça pourrait être lui qui…
— Et pourquoi pas ta femme ou la mienne ! l’interrompit brutalement Vincent.
— Mais il y a les livres qu’il écrit, il paraît qu’il y en a un qui parle des sangliers et de trucs de sorcellerie.
— Il est historien ! Ça fait partie de son travail, objecta Vincent en levant les yeux au ciel. Au Moyen Âge, les gens avaient toute sorte de croyances et de superstitions parce qu’ils n’étaient pas informés, on pourrait croire que c’est différent de nos jours, mais on dirait que ce n’est pas le cas.
— D’accord, c’est idiot de soupçonner le comte, capitula Matthias d’un air penaud, mais alors qui ? Qui et pourquoi ?
Ces questions Vincent se les était posées des dizaines de fois. Il avait tourné et retourné les faits dans sa tête en se demandant ce qui pouvait motiver quelque chose d’aussi irrationnel et sa logique cartésienne ne lui laissait entrevoir qu’une seule explication possible.
— Pour moi, c’est quelqu’un qui en avait marre des dégâts et des accidents causés par les sangliers et qui nous rend responsables de leur prolifération, nous les chasseurs, alors il a commencé par éliminer des bêtes