Premier Chapitre
1Les érables cramoisis revêtaient leurs robes chatoyantes. L’automne, arrivé plus tôt cette année, apportait au jardin une douce mélancolie. Etincelant de bruine, les arbres centenaires rougeoyaient, allumés par les feux du levant. Les premières feuilles étaient tombées dans la nuit. Couchées sur le parterre de cailloux blancs, elles frissonnaient sous la caresse du vent et venaient danser autour des lanternes encore allumées.
Le jour se levait à peine. Lentement, le jardin s’animait au doux clapotis d’un bec de bambou qui apportait perpétuellement de l’eau au bord d’un bassin. Parfois, la crête rouge d’une carpe passait au-dessus des nénuphars et piquait la curiosité d’un héron maladroit dont les échasses se confondaient avec les roseaux. Puis, le héron relevait la tête vers le ciel, fixant de ses yeux gris, les perles de pluie qui glissaient le long de son bec. Le monde semblait engourdi, presque endormi. Pourtant, la maisonnée était en alerte, et Toru, perdu dans la douceur du décor, ne pouvait l’apprécier à sa juste valeur.
Il aimait l’automne et ses nuances mordorées. Il aurait voulu arrêter le temps, le figer et continuer à s’évader dans sa rêverie, mais les minutes s’écoulaient au rythme lancinant du bec de bambou, le rapprochant inexorablement de ses fiançailles.
Seul le panneau ouvert sur l’extérieur créait une séparation entre le monde réel et la beauté envoûtante du décor. D’un côté se trouvait un univers enchanteur, et de l’autre un monde d’obligations qui s’incarnait en la personne de son père, Fujio Okami. Celui-ci lui adressa un regard réprobateur alors qu’il contemplait les massifs d’hortensias aux pétales rougeoyants. Combien il souhaitait sortir de cette pièce pour arpenter les allées gravillonnées, puis s’arrêter sur le large pont afin de profiter du chant du vent ! Ce n’était qu’une illusion. Le jardin, devenu aussi éphémère qu’un songe, s’effaçait à mesure que la bruine se changeait en averse. Le cadre enchanteur, se troublait derrière un rideau de pluie semblable aux larmes de rage que Toru s’efforçait de retenir.
Il restait impassible malgré le trouble qui envahissait son âme. Il savait parfaitement porter un masque de force et de virilité afin de dissimuler ses véritables sentiments. Il avait appris à feindre l’indifférence dans les pires situations. Toru, capitaine de l’armée du clan Okami, était doué dans l’art de la dissimulation et il mettait tout son cœur pour cacher son désarroi. Derrière son calme apparent, il bouillonnait. Partir loin, profiter de l’air fouettant son visage en battant la campagne, juché sur son fier destrier…voilà ce dont rêvait le futur daimyo .
Depuis son plus jeune âge, Toru consacrait son temps à l’apprentissage du sabre et à monter à cheval. Il était avant tout un combattant. Il était né dans un climat d’instabilité. Son éducation l’avait destiné à être un guerrier, si bien qu’à dix-huit ans à peine il avait été nommé chef des armées. Il était né pour la guerre et pour satisfaire les ambitions politiques de sa famille.
Âgé de vingt-huit ans, le capitaine s’était forgé une armure de puissance et de courage. Son corps, habitué au combat, était élancé et musclé. Droit sur son cheval noir, il dominait ceux qui croisaient sa route de par sa stature et son aura belliqueuse qui le rendaient incroyablement intimidant. Il faut dire que Toru ne ménageait pas ses efforts pour s’endurcir. Que ce soit sous la pluie battante, la canicule ou la neige, il s’exerçait dès le lever du jour au maniement du katana . Torse nu, ses longs cheveux noirs flottant sur son dos imposant, on aurait pu le prendre pour un bushi échappé d’une légende populaire.
Tout en lui évoquait la bravoure d’un guerrier. De son corps taillé dans le roc, à son visage aussi insondable que la nuit. Bien des femmes avaient tenté de le séduire sans parvenir à lui arracher un sourire ou un regard tendre. Ses traits restaient fermés dans une expression de complète sérénité. Nombre d’entre elles auraient voulu partager leur couche avec un homme aux traits aussi délicats. Ses joues légèrement creuses, accentuaient ses pommettes et rendaient son regard pénétrant. Des yeux d’un noir intense et légèrement bridés où personne n’osait plonger. Toru aurait pu charmer n’importe quelle femme, or l’occasion ne s’était pas encore montrée. Il était bien trop occupé à protéger son territoire pour tomber amoureux.
Le héron tourna son regard argenté en direction du pavillon. Toru ne le quittait pas d’un cil. Il enviait la liberté de l’oiseau. La sienne, on la lui avait ravie. Agenouillé dans la maison des Kawa, il étouffait. Ce mariage était une insulte aux combats qu’il avait menés car il était sur le point de se fiancer avec la fille de son ennemi.
Les poings serrés, il se contenait en s’imprégnant de l’ambiance mélancolique du jardin, mais celle-ci ne parvenait pas à lui faire oublier la mort et les champs de bataille. Le décor merveilleux qui l’entourait n’avait été gagné qu’à force de trahisons et d’assassinats, et la pluie tombant sur les érables écarlates lui évoquait le sang des peuples décimés pour satisfaire les désirs cupides de Gaku Kawa.
Il n’était pas à sa place dans cette maison. S’il avait pu suivre son instinct, Il l’aurait brûlé pièce par pièce pour venger ceux qui avaient péri sous le sabre des Kawa. Pourtant, il restait agenouillé devant Gaku dans une attitude soumise et respectueuse car son ancien ennemi était sur le point de devenir son allié.
Il peinait à croire en la sincérité de l’homme qui l’observait avec un rictus de satisfaction. Vêtu d’un kimono noir aux motifs raffinés, Gaku jetait un regard fier et autoritaire sur tout ce qui l’entourait. Toru avait la nausée tant la vision de son futur beau-père l’horripilait. Gaku Kawa était un homme malhonnête et Toru craignait que ce mariage ne soit qu’une nouvelle manœuvre contre son clan.
Il avait bien raison de s’en méfier car la parole d’un Kawa était aussi fourbe que celle d’un serpent. Pendant des siècles, les deux clans avaient vécu sans heurts. En tant que vassaux du Shogun , ils avaient fait le serment de se battre en son nom et de protéger les terres qu’il leur avait léguées. À la chute du shogunat, le désir de richesse et de pouvoir avait poussé Gaku à attaquer les Okami. Mais la résistance menée par Toru était sans pareille, et aucune armée n’était parvenue à prendre sa forteresse perchée dans la montagne. Ce n’est qu’après avoir tranché la tête de Tsubasa Kawa, le cousin de sa future épouse, qu’il avait obtenu un accord entre leurs clans. Mais cette paix n’avait duré qu’un certain temps, car le clan d’Hideo Okyo menaçait de tout détruire.
Ancien vassal des Okami, Hideo s’était rapproché des Kawa pour anéantir les troupes de Toru. Mais ce n’était qu’un leurre. En proposant de faire bloc contre les Okami, les Okyo avaient gagné la confiance des Kawa pour mieux les trahir. Ainsi, ils s’étaient retournés contre eux en les menant dans un terrible guet-apens lors duquel les Kawa avaient perdu de nombreux soldats. Toru n’avait pas eu le plaisir de s’en réjouir, car il craignait que les Okyo ne les attaquent à leur tour. Pour le moment ils restaient à l’écart, mais après ce qu’ils avaient fait aux Kawa, ce n’était plus qu’une question de temps.
Gaku Kawa s’était donc empressé de proposer une alliance aux Okami pour les repousser. Fatigué par tant de conflits, Fujio Okami avait accepté la proposition de mariage afin de calmer son peuple qui croulait sous les taxes servant à régler des dépenses militaires. Il valait mieux éviter une insurrection populaire et apaiser les paysans en leur promettant un espoir de paix. En contrepartie, Gaku s’engageait à protéger leur province en cédant une partie de ses forces militaires et en leur faisant profiter des armes à feu achetées aux colons européens. Cependant, Toru savait qu’il ne pouvait pas entièrement faire confiance à ses anciens ennemis. Comme à leur habitude, les daimyos avaient évoqué une clause tacite au mariage et qui garantissait entièrement la sécurité du domaine de Toru. Si les Kawa les trahissaient, il serait dans l’obligation de tuer Akeko. Sa femme était un otage, rien de plus.
Un frisson lui parcourut la nuque. Sa future épouse allait apparaître d’une seconde à l’autre et il ne se sentait pas prêt. Lui qui était si doué dans le maniement des armes et dans la stratégie de guerre, il était perdu à l’idée de partager sa vie avec une fille de seize ans, qui plus est dans de telles circonstances. La jeune promise savait pertinemment qu’elle n’était qu’un tribut, alors comment l’amour pourrait-il naître entre eux ? Pour lui, cette union représentait les barreaux de sa future prison.
Son destin était scellé, et une partie de lui hurlait intérieurement et s’indignait de ne pas avoir pu choisir sa propre voie. En son for intérieur, il était révolté contre l’idée même du mariage, d’autant plus que celui-ci lui avait été imposé avec Akeko Kawa. Il ne l’avait jamais rencontrée et redoutait de perdre sa liberté. Il n’était pas homme à rester fidèle à une femme qu’il n’aimait pas, et il ne se sentait pas prêt à ouvrir son cœur à une inconnue dont il ignorait tout. Sa défunte mère lui avait dévoilé toutes les peintures de l’amour. Très tôt, Akimi s’était soucié des conquêtes de son fils. À seulement treize ans, son père lui avait offert une nuit avec une courtisane du quartier des plaisirs. Il l’y avait emmené pour faire de lui un homme malgré les réticences d’Akimi. Elle ne voulait pas que son fils soit trop rude avec la gente féminine. Adulte, Toru gardait encore en mémoire les conseils de sa mère. Une femme doit être respectée et aimée, telles étaient les paroles qu’il se ressassait tandis que la future mariée se préparait dans une chambre adjacente. Il serra les poings pour se donner du courage et prit une bouffée d’air. Sa mère lui manquait. Il aurait voulu qu’elle soit là pour le conseiller. Attentive et douce, la noble dame veillait à ce que son fils sache lire le cœur des femmes à défaut de tomber dans leurs filets. Et justement, il avait l’impression d’être un poisson prisonnier dans le filet du clan Kawa.
Toru pressa les paupières, effaçant le visage aimant et tendre de sa mère partie cinq années plus tôt. Dévasté par sa perte, il avait trouvé refuge dans la violence et le sang. Les batailles exorcisaient sa douleur et pansaient son cœur endurci et impénétrable. Il avait beau lutter intérieurement, il savait qu’il allait devoir se soumettre.
Le panneau de la chambre adjacente coulissa silencieusement. Tous les regards étaient tournés dans sa direction, sauf celui de Toru.
Il gardait la tête basse et les mains posées sur ses cuisses. Un froissement de tissu attira son attention et accéléra les battements de son cœur. Sa promise, Akeko Kawa, venait d’entrer dans la pièce principale. Il s’inclina plus profondément, jusqu’à poser son front sur le parquet. Face à lui, sa future épouse le salua de la même façon, étalant sa majestueuse chevelure d’ébène tout autour d’elle. Il frissonna. Le parfum d’Akeko était mêlé de jasmin et de fleur de lotus. On l’avait longuement préparée pour la cérémonie. Même si Toru ne voyait que ses longs cheveux noirs répandus sur le sol, ainsi que l’ourlet d’une splendide robe blanche aux motifs floraux, il comprit qu’Akeko portait merveilleusement son prénom. Cette femme devait être d’une incroyable beauté, et la perspective de croiser son regard l’étourdissait.
Un chuchotement imperceptible troubla le silence et annonça le début de la cérémonie. Les froissements des robes indiquèrent aux futurs époux que le moment était venu d’échanger leurs présents de fiançailles.
— C’est un jour solennel pour nos clans, déclara Gaku Kawa. Au terme de cette cérémonie, nos familles seront liées.
Les paroles du chef lui paraissaient aussi lointaines que le bruissement du vent dans les érables du jardin. Son esprit était ailleurs, pourtant, Toru effectuait déjà les gestes ancestraux afin d’honorer sa future épouse. Ses pensées vagabondes le portant par-delà les montagnes, il abaissa son visage une première fois sur le hakama que lui tendait son père, à genoux devant lui.
Le parfum du tissu emplit ses narines et remplaça les effluves fantasmagoriques des régions montagneuses où son imagination l’avait mené. Il prit une bouffée d’air et inhala l’odeur raffinée qu’exhalait le hakama traditionnel. Aussitôt, sa gorge se noua. Pendant un instant, il vit ses propres parents lors de leurs fiançailles. Ce pantalon était un symbole important pour Fujio Okami. Respectueux des traditions propres à son clan, Fujio transmettait à son fils les valeurs qu’il s’était appliqué à suivre durant toute sa vie. Toru devait en faire de même, et c’est la boule au ventre qu’il déclara :
— Honneur.
Sa voix ne trembla pas quand le gong retentit pour accompagner son vœu. Soucieux de donner une image calme et intègre, il se redressa légèrement en gardant les yeux fixés sur les mains parcheminées de son père. Au même instant, Akeko s’inclina pour approuver son souhait, et leurs yeux se croisèrent furtivement. Il en eut le souffle coupé. Cela n’avait duré qu’un instant fugace, mais d’une terrible intensité. Il était loin d’imaginer qu’une fille de daimyo puisse avoir un tel regard. Deux agates d’un noir corbeau serties de splendides cils aussi duveteux que de la soie le scrutaient avec froideur. Jamais aucune femme ne l’avait regardé ainsi.
Un grattement de gorge le mis en garde. La cérémonie devait se poursuivre. Son cœur tambourinait tandis qu’il s’abaissait à nouveau sur le hakama.
— Protection, déclama Toru tout en modérant son émotion.
Il sentait le regard d’Akeko peser sur ses épaules. Il pouvait mesurer la crainte qui ébranlait le cœur de cette jeune fille d’à peine seize ans. Elle était comme lui, soumise aux ordres de la famille, elle suivait les décisions du clan. Quand il releva la tête, leurs yeux se rencontrèrent à nouveau. Il marqua une pause avant d’embrasser une dernière fois le hakama. Il resta immobile et pensif, alors qu’il découvrait le visage de sa fiancée.
La jeune fille était certainement la plus belle créature qui lui ait été donné de voir, et durant un court instant, il pensa qu’il n’était pas si mal loti. Elle avait une impressionnante chevelure soyeuse qui ondulait telle une cascade noire sur ses épaules pour terminer sa course dans le creux de ses reins. Son visage, encadré par cet écrin de douceur, était d’une blancheur de porcelaine. Un teint si pur, que Toru en resta bouche bée et en oublia l’aversion qu’il éprouvait pour le mariage. Néanmoins, ses traits aussi exquis soient-ils, Akeko demeurait inaccessible et lointaine. Une beauté enfermée dans la glace, pensa Toru dont le front frôlait la surface du hakama pour la troisième fois. Intouchable et imperturbable. Tout comme moi.
— Fidélité, dit-il.
Le mot brûla ses lèvres sèches. La fidélité. Comment pouvait-il la jurer à une femme dont il ignorait tout ? Sa beauté n’avait pas d’égal mais ce n’était qu’une maigre consolation. Le grand bouleversement qu’il avait ressenti en la voyant n’était ni de l’attirance, ni quoi que ce soit s’en approchant. Il éprouvait un horrible sentiment d’abandon. Cette femme ne l’aimerait jamais. Son regard froid, aussi tranchant que la lame d’un katana, l’avait percé à jour. Lui, le guerrier aux masques d’émotions, était découvert. Il était dévoilé, mis à nu. Quand il leva enfin la tête pour saisir le hakama et le poser sur ses genoux, il remarqua avec une pointe de crainte que la jeune fille le scrutait avec hauteur, tel un insecte indésirable. Il ne pourrait pas lui être fidèle. Son père l’avait été, et il devait certainement être l’un des seuls daimyos à ne pas avoir plusieurs concubines ! Il était fidèle car il aimait profondément sa femme, mais son fils ressentait déjà une aversion à partager sa couche avec la fille de Gaku Kawa. Il soupira en pensant à son grand-père qui avait vécu entouré d’une femme et de deux concubines. Son appétit pour les plaisirs charnels suscitait les reproches de Fujio Okami qui blâmait ses infidélités. Qu’adviendrait-il si Toru trouvait l’amour dans les bras d’une autre femme qu’Akeko ?
Le dernier serment prononcé par Toru resta suspendu dans le silence de la pièce. Tous les yeux étaient posés sur lui et le jugeaient pour évaluer l’honnêteté de ses paroles. Il ravala sa salive et examina son hakama, attendant la suite de la cérémonie.
C’était le tour d’Akeko. Toru prit une bouffée d’air frais avant de poser définitivement les yeux sur sa fiancée. La mère d’Akeko, une femme à la beauté fanée, tendait un obi à cette dernière. Toru fut saisi d’un frisson. Non pas qu’Akeko fut désagréable à regarder, mais sa beauté de porcelaine lui glaçait le sang. Il ne comprit pas d’où lui venait ce trouble qui se renforça quand la jeune fille, gracieuse et délicate, se baissa au-dessus du obi.
À son tour, elle énuméra les vertus qu’elle devrait incarner afin de combler son futur mari.
— Grâce, dit-elle d’une voix ferme et assurée.
Ses cheveux se répandirent à nouveau sur le parquet et embaumèrent la pièce. Toru tressaillit. Lorsqu’elle se releva au son du gong, elle glissa un regard dans sa direction. Il en fut encore plus troublé. Akeko était d’une beauté unique et violente. Ses traits étaient d’une rare perfection. L’ovale de son visage anobli par une peau d’une blancheur pareille aux pétales des sakuras , lui donnait une expression de poupée. Une jolie poupée qui murmura en embrassant l’obi pour la seconde fois :
— Douceur.
À chaque nouvelle inclinaison, elle battait ses longs cils de biche révélant un regard énigmatique. Ses yeux étaient aussi noirs que l’onde glacée des lacs bordant le château des Okami. Toru y avait plongé maintes fois en essayant de sonder leurs profondeurs et à chaque fois il s’y était perdu. Il en était de même pour Akeko, dans ses prunelles il ne percevait rien qu’un vide abyssal et étouffant.
Il déglutit difficilement lorsqu’elle déclara le dernier serment avec solennité :
— Fertilité.
Le gong sonna, et Dame Kawa entoura habilement le ventre de sa fille avec la ceinture blanche, symbole de fertilité et de féminité. Face à sa fiancée, Toru se prosterna pour saluer sa beauté et son futur dévouement. Akeko fit de même. Tous deux étaient si proches qu’ils pouvaient entendre leurs respirations respectives. Toru avait l’impression de percevoir les battements de cœur d’Akeko. Un rythme régulier et d’un calme effrayant. La jeune fille tempérait ses émotions, tout comme lui.
— Relevez-vous, ordonna Gaku Kawa.
Ils s’exécutèrent. Akeko s’agenouilla en une posture gracieuse et posa ses mains fines et blanches sur ses cuisses. Elles ne tremblaient pas. Toru ravala sa salive. Cette situation le mettait terriblement mal à l’aise. Jamais il n’aurait pensé se marier avec la fille de son pire ennemi. D’ailleurs, Gaku Kawa l’avait à peine effleuré du regard depuis le début de la cérémonie. Cet acte d’indifférence n’était qu’un moyen de montrer sa supériorité et le peu d’égards qu’il éprouvait envers son futur gendre. Un gendre qui avait tranché la tête de nombreux membres de son clan des années auparavant. Ce mariage n’était qu’une trêve. Les souvenirs sanglants des dernières batailles étaient encore présents dans l’esprit des Okami et des Kawa, et Toru se sentait mal à l’idée de partager sa couche avec Akeko.
Gaku Kawa se leva en premier. Toru se fit violence pour baisser la tête lorsque le chef passa devant lui afin de rejoindre le jardin où se trouvait la maison de thé. Il haïssait cet homme. Quand Gaku poussa le panneau donnant sur une vaste terrasse, les parfums du matcha entrèrent dans la pièce principale et attisèrent les craintes de Toru. La cérémonie du thé allait clore ses fiançailles et faire de lui un allié.
La mère d’Akeko fut la seconde personne à quitter la salle, puis ce fut le tour de sa fille. (chapitre incomplet, nombre de caractère trop élevé)