Mon résumé
Ce roman relate l'histoire de Damien, en pleine dépression inavouée, sous le joug de Clara dont il n'a pas la force de se séparer et qu'il craint. Le déni de sa souffrance est la solution, pense t'il : c'est du moins ce qu'il croit mais la fuite ne fait que retarder une échéance qui sera d'autant plus violente par la suite...
Un léger accident d'auto et des examens à l'hôpital révèlent sa dépression mentale et il entame une psychothérapie dans le but de connaitre ses motivations qu'il a complètement refoulées. Il se raconte à son psy en écrivant, l'échange verbal lui étant trop difficile. Il exorcise ses démons intérieurs dans le sens où elle l'a poussé à bout, et où il s'est laissé allé à dire des choses horribles. Ce qui ne lui ressemble pas et qui explique son immense désarroi.
Clara est une jeune étudiante perturbée. La jalousie maladive lui ôte tout jugement et son passé la renvoie constamment vers ses névroses. C'est de l'autodestruction car elle ne peut exister ni vivre sans reproduire les schémas de l'enfance qui lui rappelle inexorablement une femme qui ne vaut "rien", dont on abuse, et qui choisit d'être la victime de son bourreau. C'est du moins ce qu'elle tend à révéler de son passé, lui faisant la part plus belle qu'elle n'est en réalité.
L'analyse du thérapeute va sauver Damien du pire. Il va réussir à la quitter en s'éloignant d'elle de prime abord mais ne parviendra à s'en libérer mentalement qu'en multipliant des aventures sexuelles sans plus jamais s'attacher. Un antidote amer et illusoire qui lui permet de continuer à vivre jusqu'à ce que rentré des US, où il cherchait sa rédemption, il ait la malencontreuse idée de réécrire à Clara qui le jette de nouveau pour le reprendre, incessamment. Redoublant chacun leur classe à la rentrée, les affrontements et la vengeance deviennent leurs armes et leur but et c'est pathétique d'assister à leur combat, l'amertume et la rancœur étant devenue leitmotiv. Puis la vengeance s'étoffe ! La "technique" s'affine ! Mais Damien ne se satisfait pas de cette haine envers elle, qui le détruit. Et Rita une volcanique et sincère colombienne survient avec sa pétulance qui l'entraine, l'électrise : il revit.
Le retournement de situation au terme de l'histoire est tout bonnement hallucinante ! Clara qui joue l'ivrogne pour s'emparer de Damien, sachant qu'il restera avec elle, alors qu'il devait partir avec Rita en Espagne le lendemain. Clara, la magicienne de l'entourloupe s'approprie Damien, son jouet. Sa rupture avec Rita lui permet alors d'enfin voir la vraie Clara et ses stratagèmes en face à face. La confrontation est violente. On craint le pire ! Sa folie n'a plus de limites dès lors que Damien la laisse pour toujours cette fois.Le chantage au suicide fonctionne puisque Damien refuse d'avoir ce poids sur la conscience et la sauve en lui proposant la vie ensemble...
C'est sans compter sur le destin qui veille, Clara internée et hors d'état de nuire : Ses approches réitérées auprès de Rita qu'il ne peut oublier, feront qu'elle consentira à lui pardonner au bout de deux ans ! Et le bonheur les réunira.
Appréciation générale
En une phrase : Du vécu sans aucun doute, à une époque où certains pètent les plombs, détruisant famille et enfants...
Ce que j'ai particulièrement apprécié :
La page 59 est explicite : on entre dans la névrose de Clara alors qu'elle accuse Damien d'être parti aimer Flora. "Faut que tu comprennes un truc, si tu me laisses pas faire ce que je veux, nous deux ça va pas durer longtemps. J’ai encore plus envie de vomir maintenant, tu m’as mise en colère, laisse-moi !" dit elle !
La "victime" alors qu'elle n'en est pas une avec Damien, se révolte injustement : elle ne sait s'exprimer que par cris, colères, chantage affectif et on perçoit bien le cheminement qui l'amène à rejeter l'autre comme elle se rejette elle-même, afin de captiver l'autre et de se l'attacher, en fait.
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"Cependant, l’indécision récurrente dont elle faisait preuve l’amenait à souffler le chaud et le froid constamment, si bien que, quoi que je fasse pour tenter de la rendre heureuse, elle trouvait le moyen de me blâmer et de me rabaisser." La page 60, illustre bien la détresse de Damien qui ne voit pas le danger que cet amour va engendrer chez lui.
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"La dualité effrayante entre le comportement qu’elle avait avec autrui et celui qu’elle avait envers moi me fit tout de même réagir. Lorsqu’elle était avec d’autres gens, elle montrait l’image d’une fille enjouée et joyeuse, riant et parlant avec entrain. Mais une fois de retour à l’appartement, elle changeait radicalement de visage, redevenant la fille irritable et fatiguée à laquelle je dévouais corps et âme sans obtenir le même résultat."
Cela m'a évoqué l'attitude du pervers narcissique, et ce avant que l'auteur n'en parle par le biais du thérapeute page 93 ! Tilt !
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"Prisonnier. Oui, c’était ça, j’étais prisonnier de mon propre corps, empêtré jusqu’au cou dans cette espèce de jeu de rôle pervers qui ne cessait d’user mes nerfs à longueur de journée."
Tout y est ! La relation passée à la loupe pour nous permettre de détecter l'ampleur du problème qui revient sans cesse et ne pourra être résolu sans l'aide d'un thérapeute. Clara l'étouffe, contrôle le moindre de ses mouvements, et tue l'amour puisqu'elle ne lui accorde aucune confiance.
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"Étais-ce vraiment cela, l’amour avec un grand A ? Vivre en cage et s’entre-déchirer perpétuellement ? Non, bien sur que non. Mais alors, si ce n’était pas l’amour, quelle était cette chose qui nous liait, moi et Clara, dans cet enfer quotidien ?"
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"Il n’y a que moi qui t’aime vraiment pour ce que tu es, que moi qui serai toujours là pour toi… Aucune autre ne t’aimera plus moi, ne l’oublie jamais…
Me raccrochant à ces paroles comme un condamné à mort aux dernières secondes de sa vie, j’acceptai inconsciemment d’abandonner mon cœur entre ses mains. Tout en m’enlaçant fermement, elle ajouta :
- Non, je ne te laisserai jamais tomber. Tu es à moi et tu le resteras"
On voit bien ici la relation malsaine s'est transformé en douleur, conditionné chez elle à la possession de l'Autre : cet Autre qui la comble puisqu'elle ressent ce vide en elle et qu'elle n'a rien à partager, brisée depuis l'enfance.
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"- Ne t’inquiète pas, tu en aimeras une autre. Et tu pourras rien faire... En plus ça te regarde pas, c’est ma vie. Je resterai avec toi, je ferai semblant que tout va bien. J’irai lui parler bientôt, peut-être, peut-être pas, je ne te dirai rien et je te mentirai si tu poses des questions. Et quand tu me retrouveras morte tu pourras enfin reconstruire ta vie. Je vais le faire pour toi,
parce que je t’aime." Le chantage au suicide... Pour mieux faire culpabiliser l'Autre qui est abasourdi, l'Autre qui CROIT que c'est sa faute à lui car il n'en fait pas "assez".
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La page 90 et la violence crescendo qui fait qu'on a les tripes qui se tordent jusqu'au paroxysme des injures haineuses de part et d'autre ! C'est terrifiant et malheureusement vrai, réel, et pas du tout exagéré.
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La page 93 apporte l'onguent, le remède : le pourquoi de la haine de Clara et de la faiblesse de Damien. Les maux en mots du thérapeute. L'auteur réussi là un exploit : il nous fait vivre de l'intérieur, à la fois la psyché de la perverse narcissique qu'est Clara, coléreuse dès que ses vœux ne sont pas exaucés et à la fois la psyché de la victime qui est Damien ! Instructif et nécessaire à tous !
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"« Leurs proies favorites seront naïves, bien attentionnées et ayant peu confiance en elles. Ils donneront à leurs « sauveur » le sentiment d’être unique, voire indispensable à leur bonheur, ce qui limitera tout risque d’abandon. Ils sauront instaurer subrepticement, au moyen de divers stratagèmes vicieux, une relation de dépendance qui liera la victime à son bourreau tant que celui-ci n’aura pas jeté son dévolu sur une nouvelle victime.»"
Un texte qui m'a "parlé" ...! Et tout s'écroule, pour le pervers, dès lors que l'aura, la faculté d'admiration sans borne, diminue chez l'autre, comme si la flamme devait toujours brûler, y compris dans l'enfer des injures et accusations !
Page 95, Damien au mépris de sa propre santé, entrevoit encore l'espoir de la sauver, elle qui n'aspire à rien d'autre que détruire... Et le constat fait mal !
"- Damien, écoutez… Il faut que vous compreniez bien une chose… Cette maladie ne se soigne pas. Ces gens sont enfermés dans un déni constant qui les empêche d’assumer le poids de leurs actes. Ils ne ressentent pas le besoin de changer, de s’améliorer. Il n’y a rien que vous puissiez
faire, à part prendre vos distances le plus tôt possible… Je suis sincèrement désolé." Dit le thérapeute à Damien, effondré.
"- M.Toledano… on ne peut pas forcer les gens à changer, à moins qu’ils ne le veuillent eux-mêmes…" Tout à fait exact, hélas.
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"Qu’est-ce qu’elle t’a donné qu’aucune autre ne pourra jamais te donner ?
- Rien.
- Voilà ! Et toi, depuis le début de votre relation, tu lui donnes absolument tout ce dont une femme peut rêver. Regarde comment elle te le rend mal ! Ou plutôt, elle ne te rend rien ! Tu as tout fait pour elle, elle n’a pas su s’en montrer digne. Il est temps de penser un peu à toi. Je ne te blâme pas, mais te rends-tu compte de l’état dans lequel elle t’a mis ? Tu ne penses qu’à la défendre, et je comprends pourquoi, mais c’est inutile, tu t’en apercevras bien assez tôt."
La relation ainsi décortiquée par le thérapeute est sans appel. Damien ne peut que se résoudre sinon, il court à sa perte et court même le risque d'y perdre la vie.
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"« On accepte beaucoup trop facilement les relations toxiques à notre époque, il faut savoir faire le tri et garder autour de soi les personnes qui nous veulent du bien. Parce que presque tout le monde fait semblant d’être heureux, alors qu’en réalité, chacun a ses problèmes. La plupart des
gens s’efforcent de les cacher au lieu de se battre, et ne s’amélioreront jamais. Et ce sera là ton défi si tu veux aller mieux, ne cherche pas à éviter la souffrance, affronte là et surmonte là. Tire des leçons de cette expérience, et devient quelqu’un de meilleur. Et, un jour, ce sera à toi de transmettre ce savoir à quelqu’un d’autre. »" Merveilleux partage que nous offre l'auteur dont la sensibilité explose dans son roman !
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Page 97, le dénouement approche concernant cette relation qui n'en est qu'un simulacre : Clara a déjà remplacé Damien, qui voit clair dans son jeu, heureusement !
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"Prise de rage, elle commença à marmonner d’inaudibles reproches, sa bouche produisant un son proche du grognement. Son corps se crispa, puis se mit à trembler avant qu’elle ne s’écroule à genoux. Je voulus partir tant que j’en avais encore la volonté, mais je fus subjugué par ce qui se
passa alors devant moi : Elle se frappa elle-même au visage.
- SALOPE DE MERDE ! cria-t-elle en s’assénant un nouveau coup."
Le processus d'autodestruction chez Clara, explose littéralement quand elle s'aperçoit que Damien va lui échapper pour toujours : Elle tente le va tout ! C'est horrible que de voir sa folie se déverser sur elle aussi ! Poignant, révulsant, tragique.
"Mon instinct m’intimait l’ordre de fuir loin de toute cette démence, mais je ne parvins pas à lui obéir, à la fois fasciné et terrifié devant une telle psychose. Désormais, je sus que la folie aurait un visage à mes yeux. Éclatant en sanglots, elle se mit à mordre sa main avec une hargne sauvage.
Je savais pertinemment que si je n’intervenais pas, cette scène me hanterait jusqu’à la fin de mes jours." Magnifique élan du cœur, généreux et altruiste, preuve s'il en est de la manipulation dont il est la victime de moins en moins aveugle.
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La page 108 où Damien se remet en cause, lui et l'amour qu'il a cru éprouver, dans l'avion qui le mène à New York se ressourcer. Sa lucidité est sans faille.
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"Le passé de Clara avait anéanti toute humanité en elle. Rongée par la haine, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même ; une coquille vide, aspirant le bonheur des autres pour échapper à son malheur. À présent, la question n’était plus de savoir si elle POUVAIT guérir, mais bien de savoir
si elle VOULAIT guérir."
Tout est résumé dans cette phrase au demeurant cruelle et si juste...
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"J ’avais été heureux, et je ne l’étais plus. Et, à bien y réfléchir, je crois que j’aurais préféré ne jamais l’avoir été, tant la souffrance de n’avoir jamais connu le bonheur est insignifiante comparée à celle de l’avoir perdu"
J'ai ressenti profondément ce que l'auteur voulait dire : aimer à ce point, inconditionnellement, qu'au final, il valait mieux ignorer, ne jamais savoir, ce qu'est d'aimer aussi fort et ce, tant la douleur devient béance : un vide incommensurable, un manque qui ne sera plus jamais comblé, et qui détruit tout avenir futur au niveau affectif. L'utopie de penser qu'on pouvait le soigner, démoli comme nos illusions. L'impuissance règne en maîtresse sur les évènements d'après.
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Pages 114 et 115, j'ai jubilé. Il était temps... Le ton devient amusant : le lecteur et Damien en avaient bien besoin pour se détendre !
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"Pour faire mal, vraiment mal, pas besoin de mentir, d’insulter, d’en venir aux mains ni même de parler d’ailleurs. Non, pour faire mal, ignorer suffit. Ignorer suffit même largement. De cette manière, je la privais de ce dont elle avait le plus besoin : l’attention. Je ne lui accordai rien, même pas une œillade."
Absolument ! Rien de pire que le mépris, le silence pour atteindre celui qui est méchant ! Plus rien n'a de prise et alors il souffre au centuple.
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La page 121, hilarante ! Le choix incongru de son amie entre un gars trop gentil et un autre aux abdos, volage de surcroit ! Satyrique et tellement vrai là aussi ! L'auteur est un homme perspicace et observateur !
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"Il suffit d’une simple photo pour entraîner une cascade de réactions. Évidemment, personne n’osera dire à voix haute ce que tout le monde pense, mais les gens chuchotent, plus ou moins discrètement ; dévorant les miettes des vies qui défilent devant leurs yeux pour combler l’ennui écrasant qui occupe les leurs."
Là encore, l'auteur tape dans le mile ! Les réseaux sociaux (style FB) regorgent de photos, d'apparences trompeuses, voir racoleuses... Et la stratégie serait de s'inventer son personnage afin de le rendre le plus attractif possible et ainsi de rafler la mise. Entendons-nous bien : la mise étant d'accroitre le nombre de ses "amis" virtuels et ainsi de dialoguer tous azimut, discourir de tout et de rien pour le plaisir de se montrer...
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La lettre de Damien glissée à Rita, d'une sensibilité rare page 161. Tout est possible, le renouveau prometteur entre deux personnes blessées par la vie mais indemnes, cette fois, pour le partage de l'amour. La beauté de deux coeurs purs !
La page 163 incroyablement philosophique ! La destinée, ses nombreuses routes et nos décisions qui engendrent elles-mêmes notre vie... et nos erreurs de parcours !
Autres commentaires
Style littéraire :
Un roman merveilleusement relaté, au rythme soutenu : j'ai adoré !
Mon sentiment sur le titre du livre :
Un titre qui évoque la complexité d'aimer un être incapable d'aimer en retour. Parfait.
Ce que je pense des personnages :
Des personnages émouvants : je me suis cru face à eux ! Je remercie l'auteur pour ce fabuleux partage qui m'a ému profondément... J'ai compris beaucoup de choses grâce à lui.
Ce que je pense du thème général du livre :
Un thème d'actualité dont on ne parle pas assez et qui fait des ravages, peut être la cause de suicides, de dépressions ! Alarmant, et dérangeant tout à la fois, il est bon d'en prendre conscience sans se voiler la face et ne pas avoir honte de souffrir de ces personnes incapables d'aimer qui sont malades.
J'ai dû lire le livre d'une traite (après les 50 premières pages) tant il m'a passionné et tant Damien était criant de vérité.
Ce livre ferait-il un bon film ? :
Absolument ! Un film actuel, prégnant et salvateur, un témoignage courageux, voir héroïque !
Evaluation par Sibille Joelle
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