Note globale : 10/10
Note littéraire: 10/10
Mon résumé
|
Nicos, étudiant lors du mouvement soixante-huitard, vient à se remémorer ce moment de sa vie en se rendant à la dédicace d'un vieux camarade de classe, Manuel, devenu dessinateur célèbre de BD. Malgré la joie de se revoir, chacun reste drapé dans ses convictions et les différences intrinsèques de chacun d'eux leur sautent aux yeux. De ce court intermède d'apparence anodine, le lecteur pénètre au fil des pages dans la peau d'une pluralité de personnages dithyrambique pour la plupart, aux profils d'une diversité singulière : Nicos, le PDG audacieux et opportuniste d'une société de biotechnologies marié à une Isabelle (dont le suspens grandit de par une "autre" Isabelle, amante de Charlène ! On s'interroge tout du long : s'agit il de la même ?) soucieux de préserver ses secrets, Manuel, le dessinateur d'extrême gauche, pacifiste et resté authentique, Marcus, le gendarme au passé entaché d'un terrible drame, Isabelle, hédoniste sans culpabilité qui aime à la fois les hommes et les femmes dont Charlène, « le » chauffeur attitré de Nicos, Paulo le Commissaire excentrique et aussi acteur de rôles de composition au théâtre de rue où il exorcise ses démons, Malika, algérienne exilée volontairement, l'artiste aux multiples talents, peintre et cartomancienne qui adoptera Marcus sur une plage naturiste, Kevin l'employé de sécurité zélé du club échangiste que fréquente Charlène, JP Langlois, employé pour la Direction de l'Équipement, écrivain le reste de son temps, père démissionnaire uniquement préoccupé par une renommée littéraire et acharné des diatribes enflammées. L'auteur réunira ces portraits au sein d'une histoire incroyable, romancée toute à la fois et tragique !
...
Du vol de la mercédès de Nicos, s'imbriqueront des éléments en chaîne, dont celui imprévisible qui se soldera par la mort... On ne comprend pas immédiatement qui meurt, et j'ai dû relire les pages comme pour mieux m'imprégner de l'ambiance : Isabelle qui monologue à son fils mort à un an et demi... Et la page suivante nous fait sursauter ! Le monologue n'a plus le même ton mais celui, vengeur et même à l'accent mortifère. Un contraste astucieux qui nous met la chair de poule au fur et à mesure du dénouement. Un bulletin officiel rend compte d'une tuerie sanglante aux abords d'une école et d'une synagogue. La où était Isa. Là où elle croisa cet inconnu pressé. Là où le destin bascule !
Appréciation générale
En une phrase : Jubilatoire !
Et aussi, révoltant, intolérable, odieux que ces morts, sur lesquels un fou tire, "gratuitement", par "bonne conscience", à la suite de ce monologue tout aussi édifiant dans "un monde infidèle" page 127 : "C’est fou comme les gens heureux et sans histoires attirent la haine. La
haine de ceux qui n’aiment pas, la haine de ceux que personne n’aime et la
haine de ceux qui n’ont pas d’histoire à eux. Tous ceux-ci fauchent les gens
heureux, car ils représentent une tâche dans le vide de leur existence et de leur
conscience, comme si le plein de ceux-là s’accomplissait au détriment de leur
propre vacuité. C’est tellement plus simple de les crever pour qu’ils se vident
plutôt que de se remplir par soi-même."
Ce que j'ai particulièrement apprécié :
"C’est à peine si quelques mèches grisonnantes venaient altérer ce souvenir. La même mâchoire
carrée sous un regard perçant lui donnait la majesté d’un aigle." Page 8.
"« Oui, j’aime jouer des rôles. Je ne peux pas m’en empêcher. » Le ton était affirmatif et sentencieux tel celui d’un acteur qui dans un long monologue s’adresse seul au public pour lui faire part de sa propre vérité. «"
« Fais quand même attention, Nicos, c’est un jeu dangereux, car la folie n’est pas loin. Elle se tapit toujours quelque part, insidieuse, de préférence dans les coins et les angles et tu ne t’en rends même pas compte. » Page 18 et 19, très riche de sens !
"Ses paroles se heurtent au mur du silence. Un mur contre lequel il ne peut rien. Ne pas parler, ne rien dire car sinon les paroles ouvriraient une brèche par où se déverserait toute la souillure du Père. Ne rien dire et tenir." Page 25.
Le chapitre page 126, bien que trop fanatisé selon moi, livre là toute la folie d'un homme ! Une aparté rendue nécessaire à la compréhension de l'histoire et surtout du dénouement ! Ce monologue anonyme est la clé qui permet au lecteur de bien comprendre l'escalade vers l'horreur auquel on n'est pas préparé et l'auteur réalise là une véritable prouesse !
"Je parie que tu ne comprends pas ce que je te dis. J’en étais sûr. En plus d’inexistant, tu es bête. Et d’ailleurs, cela vaut mieux pour toi. Quoi de plus terrible que de se rendre compte qu’en plus d’inexistant et inutile on est idiot ?
Crétin, inexistant et inutile. Cela me confirme qu’il faut continuer à éduquer
mes semblables, aider les artistes, acheter leurs toiles, créer du beau, écrire des
poèmes et les réciter, debout sur une chaise dans une pièce comble ou le soir
face au soleil déclinant, alphabétiser ceux qui ne savent ni écrire, ni compter,
ni lire les textes sacrés dans toutes leurs dimensions. Grâce à toi, nous sommes
beaucoup à prendre conscience que la futilité est un fondement du genre humain.
Son apparente gratuité est un crachat sur ta bêtise. On a déjà fait pas mal
de boulot dans ce domaine, car, rappelle-toi, il y a quelques siècles en arrière,
voire quelques dizaines d’années, vous étiez nombreux dans votre genre à
pourchasser le rêve et le futile. Force est de constater que toi et ceux qui te
ressemblent vous l’êtes moins, même si encore trop."
Page 141, l'épisode qui traite du "masque" qu'arbore Nicos à l'annonce faite par le policier : la mort de sa femme Isa, qui était dans la mauvaise rue à la mauvaise heure... Sensible, émouvant, terriblement poignant !
Autres commentaires
Style littéraire :
Il s'agit du second livre après celui qui a été publié et qui m'ait été donné de noter, qui est écrit merveilleusement et ce malgré le thème, délicat (!) du roman. Les monologues sont d'une richesse à couper le souffle et permettent de cerner l'âme du sujet qui s'exprime, impudiquement, souvent, mais avec une vérité lapidaire ! Je suis entrée dans le cœur même de ces personnes et c'est si rare que je tenais à vous le confier.
Mon sentiment sur le titre du livre :
Le titre "La dédicace" évoque la première page du livre, où il en est question, et l'écriture, policée, dissuade du pire. Le titre ne reflète pas, selon moi, la tragédie qui explose au terme du livre : cet acte insensé, irréparable, impardonnable ! Ce point d'orgue, lieu où la mort va frapper, happant des innocents !
Ce que je pense des personnages :
Des personnages contrastés, tantôt ironique, cynique, légers, artiste : toute la gamme y est, y compris la violence... J'ai beaucoup aimé !
Ce que je pense du thème général du livre :
J'ai été littéralement passionnée par les personnages, le thème se révélant en filigrane, à la fin du livre, et heureusement, car sinon... je n'aurais sans doute pas autant apprécié "l'avant" tragédie.
Un thème si grave, si actuel, que ni les frontières ni la richesse sociale ne peuvent l' écarter : tous, nous sommes concernés et tous, nous pouvons mourir sous les balles ou une bombe d'un fou !
Le suspens est si bien distillé que c'est pas à pas que l'on bascule, sans se rendre vraiment compte de ce qui vient de se jouer ! Les détails sanglants et autres nous sont épargnés : seule la douleur de Nicos élude le drame !
Ce livre ferait-il un bon film ? :
Assurement ! Un excellent scénario et même une série en production !
Evaluation par Sibille Joelle
Mon résumé
| Nicos, étudiant lors du mouvement soixante-huitard, vient à se remémorer ce moment de sa vie en se rendant à la dédicace d'un vieux camarade de classe, Manuel, devenu dessinateur célèbre de BD. Malgré la joie de se revoir, chacun reste drapé dans ses convictions et les différences intrinsèques de chacun d'eux leur sautent aux yeux. De ce court intermède d'apparence anodine, le lecteur pénètre au fil des pages dans la peau d'une pluralité de personnages dithyrambique pour la plupart, aux profils d'une diversité singulière : Nicos, le PDG audacieux et opportuniste d'une société de biotechnologies marié à une Isabelle (dont le suspens grandit de par une "autre" Isabelle, amante de Charlène ! On s'interroge tout du long : s'agit il de la même ?) soucieux de préserver ses secrets, Manuel, le dessinateur d'extrême gauche, pacifiste et resté authentique, Marcus, le gendarme au passé entaché d'un terrible drame, Isabelle, hédoniste sans culpabilité qui aime à la fois les hommes et les femmes dont Charlène, « le » chauffeur attitré de Nicos, Paulo le Commissaire excentrique et aussi acteur de rôles de composition au théâtre de rue où il exorcise ses démons, Malika, algérienne exilée volontairement, l'artiste aux multiples talents, peintre et cartomancienne qui adoptera Marcus sur une plage naturiste, Kevin l'employé de sécurité zélé du club échangiste que fréquente Charlène, JP Langlois, employé pour la Direction de l'Équipement, écrivain le reste de son temps, père démissionnaire uniquement préoccupé par une renommée littéraire et acharné des diatribes enflammées. L'auteur réunira ces portraits au sein d'une histoire incroyable, romancée toute à la fois et tragique ! ... Du vol de la mercédès de Nicos, s'imbriqueront des éléments en chaîne, dont celui imprévisible qui se soldera par la mort... On ne comprend pas immédiatement qui meurt, et j'ai dû relire les pages comme pour mieux m'imprégner de l'ambiance : Isabelle qui monologue à son fils mort à un an et demi... Et la page suivante nous fait sursauter ! Le monologue n'a plus le même ton mais celui, vengeur et même à l'accent mortifère. Un contraste astucieux qui nous met la chair de poule au fur et à mesure du dénouement. Un bulletin officiel rend compte d'une tuerie sanglante aux abords d'une école et d'une synagogue. La où était Isa. Là où elle croisa cet inconnu pressé. Là où le destin bascule !
Appréciation générale
En une phrase : Jubilatoire ! Et aussi, révoltant, intolérable, odieux que ces morts, sur lesquels un fou tire, "gratuitement", par "bonne conscience", à la suite de ce monologue tout aussi édifiant dans "un monde infidèle" page 127 : "C’est fou comme les gens heureux et sans histoires attirent la haine. La haine de ceux qui n’aiment pas, la haine de ceux que personne n’aime et la haine de ceux qui n’ont pas d’histoire à eux. Tous ceux-ci fauchent les gens heureux, car ils représentent une tâche dans le vide de leur existence et de leur conscience, comme si le plein de ceux-là s’accomplissait au détriment de leur propre vacuité. C’est tellement plus simple de les crever pour qu’ils se vident plutôt que de se remplir par soi-même."
Ce que j'ai particulièrement apprécié : "C’est à peine si quelques mèches grisonnantes venaient altérer ce souvenir. La même mâchoire carrée sous un regard perçant lui donnait la majesté d’un aigle." Page 8. "« Oui, j’aime jouer des rôles. Je ne peux pas m’en empêcher. » Le ton était affirmatif et sentencieux tel celui d’un acteur qui dans un long monologue s’adresse seul au public pour lui faire part de sa propre vérité. «" « Fais quand même attention, Nicos, c’est un jeu dangereux, car la folie n’est pas loin. Elle se tapit toujours quelque part, insidieuse, de préférence dans les coins et les angles et tu ne t’en rends même pas compte. » Page 18 et 19, très riche de sens ! "Ses paroles se heurtent au mur du silence. Un mur contre lequel il ne peut rien. Ne pas parler, ne rien dire car sinon les paroles ouvriraient une brèche par où se déverserait toute la souillure du Père. Ne rien dire et tenir." Page 25. Le chapitre page 126, bien que trop fanatisé selon moi, livre là toute la folie d'un homme ! Une aparté rendue nécessaire à la compréhension de l'histoire et surtout du dénouement ! Ce monologue anonyme est la clé qui permet au lecteur de bien comprendre l'escalade vers l'horreur auquel on n'est pas préparé et l'auteur réalise là une véritable prouesse ! "Je parie que tu ne comprends pas ce que je te dis. J’en étais sûr. En plus d’inexistant, tu es bête. Et d’ailleurs, cela vaut mieux pour toi. Quoi de plus terrible que de se rendre compte qu’en plus d’inexistant et inutile on est idiot ? Crétin, inexistant et inutile. Cela me confirme qu’il faut continuer à éduquer mes semblables, aider les artistes, acheter leurs toiles, créer du beau, écrire des poèmes et les réciter, debout sur une chaise dans une pièce comble ou le soir face au soleil déclinant, alphabétiser ceux qui ne savent ni écrire, ni compter, ni lire les textes sacrés dans toutes leurs dimensions. Grâce à toi, nous sommes beaucoup à prendre conscience que la futilité est un fondement du genre humain. Son apparente gratuité est un crachat sur ta bêtise. On a déjà fait pas mal de boulot dans ce domaine, car, rappelle-toi, il y a quelques siècles en arrière, voire quelques dizaines d’années, vous étiez nombreux dans votre genre à pourchasser le rêve et le futile. Force est de constater que toi et ceux qui te ressemblent vous l’êtes moins, même si encore trop." Page 141, l'épisode qui traite du "masque" qu'arbore Nicos à l'annonce faite par le policier : la mort de sa femme Isa, qui était dans la mauvaise rue à la mauvaise heure... Sensible, émouvant, terriblement poignant !
Autres commentaires
Style littéraire : Il s'agit du second livre après celui qui a été publié et qui m'ait été donné de noter, qui est écrit merveilleusement et ce malgré le thème, délicat (!) du roman. Les monologues sont d'une richesse à couper le souffle et permettent de cerner l'âme du sujet qui s'exprime, impudiquement, souvent, mais avec une vérité lapidaire ! Je suis entrée dans le cœur même de ces personnes et c'est si rare que je tenais à vous le confier.
Mon sentiment sur le titre du livre : Le titre "La dédicace" évoque la première page du livre, où il en est question, et l'écriture, policée, dissuade du pire. Le titre ne reflète pas, selon moi, la tragédie qui explose au terme du livre : cet acte insensé, irréparable, impardonnable ! Ce point d'orgue, lieu où la mort va frapper, happant des innocents !
Ce que je pense des personnages : Des personnages contrastés, tantôt ironique, cynique, légers, artiste : toute la gamme y est, y compris la violence... J'ai beaucoup aimé !
Ce que je pense du thème général du livre : J'ai été littéralement passionnée par les personnages, le thème se révélant en filigrane, à la fin du livre, et heureusement, car sinon... je n'aurais sans doute pas autant apprécié "l'avant" tragédie. Un thème si grave, si actuel, que ni les frontières ni la richesse sociale ne peuvent l' écarter : tous, nous sommes concernés et tous, nous pouvons mourir sous les balles ou une bombe d'un fou ! Le suspens est si bien distillé que c'est pas à pas que l'on bascule, sans se rendre vraiment compte de ce qui vient de se jouer ! Les détails sanglants et autres nous sont épargnés : seule la douleur de Nicos élude le drame !
Ce livre ferait-il un bon film ? : Assurement ! Un excellent scénario et même une série en production !
Evaluation par Sibille Joelle
Et aussi, révoltant, intolérable, odieux que ces morts, sur lesquels un fou tire, "gratuitement", par "bo...