Premier Chapitre
« Si vous devez meurtrir un arbre, visez les racines. » Proverbe orazienNeorah a disparu depuis cinq jours. Cinq jours interminables où je n’ai toujours pas eu le courage de m’élancer à sa recherche. Je suis là, à nourrir les hélyrn du haut de notre falaise, intouchable, en sécurité. Mais suite à sa disparition, à peine sombrais-je dans le sommeil, je n’ai eu de cesse de faire ce rêve : mon père me prenait le visage entre ses grandes mains, et m’implorait de ne pas partir non plus. Je revois encore ses grands yeux d’or et ses sourcils fournis dessinant une vague sous l’inquiétude. En revanche, sans grand étonnement, la réalité a été tout autre : il s’est contenté de fermement m’interdire de sortir du château. Et plus le temps passe, moins je m’efforce de tenir cette résolution.
Je jette la viande le plus loin possible pour ne pas salir mes vêtements. Les hélyrn se jettent dessus tandis que je regarde par-dessus leur pelage strié et rêche le soleil qui se couche. La Montagne au loin le cache un peu, mais les nuances orangées contaminent tout l’horizon, et l’eau du Ganor qui sillonne la vallée scintille avec douceur. Je viens souvent ici admirer le coucher du soleil. Nous avons une vue imprenable, à l’arrière du château. Ce soir cependant, je refuse de border le soleil si je n’ai pas l’assurance que ma sœur peut aussi le voir, de là où elle est. Si elle est encore.
La résonnance des grands carillons à vent me tire de ma réflexion. Je regagne à la hâte l’intérieur animé du château et suis le long tracé des colonnes qui ponctuent le grand couloir où vont et viennent les domestiques à la hâte, les bras chargés de draps et autres nécessités pour les chambres d’invités. Je monte l’escalier de pierre et d’un œil curieux, j’aperçois par une fenêtre les ducs et duchesses rassemblés autour du maigre cortège que l’air doux mais puissant des carillons annonçait.
Je finis par pousser une porte à double battant à l’étage, pour déboucher sur les appartements de Disthène, mon petit frère. Son pouvoir s’est éveillé quelques jours plus tôt ; si d’ordinaire il faut entreprendre ce voyage initiatique seul, mon père l’a fait escorter par des Miliciens jusqu’à la Montagne, pour empêcher qu’un autre de ses enfants ne lui échappe des mains.
J’ouvre la fenêtre et vérifie les derniers détails comme si cela n’avait pas déjà été fait : le lit à baldaquins est bien tiré, le mobilier est dénué de poussière, le lustre en pierre fine n’est pas recouvert de toiles d’araignées. Je prépare des habits blancs que je plie délicatement, y ajoute des gants laiteux et des ornements dorés que je dispose sur son lit, et je patiente tant bien que mal en espérant que ce comité d’accueil ne l’oppressera pas de trop.
Disthène apparait peu de temps après dans l’embrasure de la porte. Il semble fatigué de la route, mais son visage illuminé lorsqu’il m’aperçoit me remplit de sérénité. Je m’approche et secoue gentiment ses cheveux roux pareils aux miens alors qu’il me prend dans ses bras. Il sent la sueur et la menthe, et son souffle réchauffe mon cou. « Tu m’as manqué, Ambre.
— Toi aussi, petit prince. Alors, fais-je face au maître des oiseaux ? »
Il rit timidement et se desserre de notre étreinte. « Je ne pense pas ! J’essaye déjà de m’habituer au fait que je peux les comprendre. » Je pince sa joue tachetée de rousseur, attendrie par sa modestie. Puis, en examinant son visage, je distingue une petite marque verte qui se niche sous son œil. « Ça alors, tu es déjà marqué au visage…
— Oui, celle-ci est apparue aujourd’hui. »
Disthène a dix-sept hivers, et c’est un âge normal pour l’Éveil. Son pouvoir s’est manifesté alors que nous lisions à l’extérieur, dans le champ de fleurs. Il s’est écroulé par terre, les mains sur les oreilles, abasourdi par le bruit des oiseaux alentours qui se transmettaient toutes sortes d’informations que soudainement il comprenait. Je me souviens lui avoir caressé les cheveux et l’avoir blotti contre moi, par terre, alors qu’il pleurait à la fois de peur et d’incompréhension.
Mon père, alerté de la situation probablement par un membre de la Milice, a accouru et y a de suite reconnu l’Éveil. Au lieu de le calmer, il s’est empressé de lui chercher une marque sur le corps comme l’on cherche des poux, en soulevant son pardessus alors que Disthène continuait de pleurer de douleur. Il a trouvé sa première marque qui était au niveau du flanc, une maigre vague verte. Elles se gravent sur la peau d’un Haorn à chaque usage du don qu’il possède, et sont de la couleur des yeux du porteur. Père s’est autorisé un geste d’affection paternelle en me le subtilisant et en le plaquant contre son torse avec sa grande main. Il devait être fier de constater que son fils est un Haorn tout ce qu’il y a de plus normal. Et au vu de la situation, cela apportait du baume au cœur à tout le monde.
Les yeux verts de Disthène cherchent les miens. « Je n’ai pas trop à cœur de célébrer l’Éveil de mon don. Neorah devrait être parmi nous…
— Crois-tu qu’elle se réjouirait de savoir que tu te prives de ta cérémonie de l’Éveil pour elle ? Fais-lui honneur, et profites-en. »
Il hésite. Finalement, il acquiesce en hochant la tête. Je prends une serviette propre, les habits qui dormaient près de moi et les lui tend. « Va te laver et reviens propre pour le dîner. » Après m’avoir embrassé la joue du bout des lèvres, il s’éclipse dans la salle d’eau et mon sourire s’évanouit aussitôt. Je n’ai pas non plus le cœur à la célébration, d’autant que mon objectif est désormais tout autre.
Quand je me lave dans mes appartements, je mets un point d’honneur à frotter vigoureusement mes pieds dans ma baignoire en cuivre pour les présenter nus ; à Orazia, cela est perçu comme symbole de sécurité. Je me débarrasse de la terre accumulée sous les talons, devenus durs comme la pierre du château. Je mets un temps drastique à peigner mes longs cheveux, que j’arrange par la suite en une haute queue de cheval pour faire plaisir à mon père, si tant est qu’il le remarque. J’observe concentrée mon reflet dans le miroir, arborant une robe échancrée et de multiples bijoux d’or aux bras et aux jambes pour cette occasion spéciale. J’inspire.
Seigneurs, hélyrniers, et l’essentiel de la noblesse d’Adraga seront présent parmi nous. Dans un souci de maintenir l’illusion, Père a aussi convié les ducs et duchesses qui ont fait le déplacement de leurs duchés respectifs. Mon cœur se serre à l’idée de les appréhender sans ma sœur.
La salle d’apparat, où s’étendent de longues tables en bois de chêne bordées par plusieurs chaises à l’assise rouge, est plus illuminée que d’ordinaire. Les lanternes sont amassées en grand nombre au sol et sur les murs ; la lueur des chandeliers au plafond leur fait écho, rehaussant l’éclat des lourdes tentures de velours or et rouges qui ornent les moulures murales. Un immense drap portant le blason de notre royaume, Orazia, recouvre le fond de la pièce. Un bouclier surplombé d’une couronne, dans lequel est dessiné le visage d’un hélyrn, la monture des Haorn. Le grand félin aux deux défenses proéminentes a les yeux fixés droit devant lui. Sur les côtés du bouclier, chacun tourné vers le prédateur, cabrent deux chevaux, les montures des Nirsil.
Notre tablée se compose des membres rapprochés de la famille royale et se situe en hauteur ; les ducs et duchesses sont ainsi semés parmi les autres tables, les familles mélangées à visée certainement stratégique par Argantaël, le conseiller royal. Mes yeux sont posés sur eux ; les habits précieux et rares de la duchesse de Brume éclipsent notoirement la simplicité de ceux de la duchesse de Haar, dont le port de tête ne laisse toutefois personne dupe de sa haute position. Les ducs d’Eniorre et de Darza ne partagent pas la même table, certainement pour éviter de réveiller leur lointaine querelle. La plupart sont venus accompagnés de leurs propres serviteurs, si bien que les livrées différentes de ces derniers déploient un arc-en-ciel contre le mur en pierre blanche auprès duquel ils patientent, immobiles.
Mon frère est accueilli comme un héros revenu de guerre. Et il est magnifique, avec sa longue cape blanche et ses gants laiteux. Ses cheveux feu d’ordinaire insolents sont contenus en une belle vague tombant sur son front, une coiffure bien plus digne d’un événement princier. Nos convives se lèvent de table et l’applaudissent lorsqu’il passe les portes, sourire ravi aux lèvres. Les Miliciens dans leur traditionnelle armure pourpre, sont à genoux, le visage engouffré dans une main, l’autre frappant le sol avec le poing en signe de respect.
Cet engouement lui est rare, et à en juger ses doigts qui se tortillent dans tous les sens, ce ne doit pas être un moment qu’il chérit. Ses joues sont cramoisies et son sourire gêné en dit long également ; il s’incline quelques secondes avant de longer rapidement la salle pour s’asseoir à mes côtés. Après le tonnerre d’applaudissements, le brouhaha indistinct des vives conversations ne tarde pas à émerger. « Alors Disthène, quel effet cela fait de devenir un homme ? »
Je dévisage celui qui est en face de moi, Arsène Riverore, les lèvres pincées. Nous sommes sensiblement du même âge, mais sa position d’hélyrnier, nos soldats d’élite adoubés par le roi, lui confère une certaine maturité que je n’arbore pas. Il s’empresse d’attraper mon regard avec ses yeux bleus et m’offre un sourire en coin. Tout porte à croire que la question était en fait plus dirigée pour m’importuner, et cela me fait rougir ; j’essaye tout de même de conserver mon flegme.
Disthène sourit maladroitement, et contourne la taquinerie. « La Montagne est un lieu magnifique, et je garderai en mémoire toute ma vie cette cascade. Elle tombe réellement du ciel ! » s’exclame-t-il, presque gêné de sa brusque fougue.
« Il est vrai que c’est tout bonnement incroyable, renchérit Egon, attablé un peu plus loin. Quel privilège avons-nous de pouvoir poser les yeux sur les larmes de la déesse ! Cette eau aux tons roses… Une expérience inoubliable. Il faut le vivre pour le comprendre. »
Arsène acquiesce et va pour se servir du vin de fleurs. Il tend la bouteille vers moi en esquivant le candélabre trônant au milieu, désignant l’un de mes verres d’un coup de menton. Je le lui avance précautionneusement. « Peut-être que ta langue va se délier plus rapidement ainsi, Princesse…
— Arsène, cesse d’ennuyer son Altesse », soupire Viahildi, son père.
Le fils ricane et déporte la bouteille sur le verre de Disthène alors qu’il m’adresse un clin d’œil. Un rictus me tort les traits mais je préfère ne pas lui donner le plaisir de lui répondre. Je connais Arsène depuis des années ; pourtant, j’ai l’impression de ne toujours pas savoir comment réagir à ses provocations. Il est très différent de son père, Viahildi, qui est un homme discret et dévoué. Sa présence paternelle me rassure, et je ne suis pas la seule ; autour de lui, les convives s’engouent de son humour fin qu’il distille avec habileté pour détendre l’atmosphère. S’octroyer l’amour des autres lui est simple. En réalité, il en va de même pour Arsène, mais d’une manière tout à fait différente : son charme et son physique taillé doivent assurément lui rendre ce service. Son don aussi.
Calista, sa mère, s’intéresse à Disthène, lui parle des oiseaux de son jardin et plaisante sur leur coquinerie lorsqu’ils dépouillent son cerisier. Mon frère est ravi de parler de ses nouveaux amis, bien qu’il se mette subitement à triturer le chemin de table en dentelle qui s’achève devant lui. C’est un sujet où il ose retenir l’attention des autres ; il bredouille de temps à autres et termine souvent ses phrases par des rires gênés, mais il s’étend en détaillant du mieux qu’il peut sa relation avec ces animaux, les yeux remplis d’étoiles et un sourire niais sur les lèvres. Je surprends la duchesse de Haar, l’oreille dressée pour capter ce qu’elle peut de son assise avec un sourire attendri, certainement peu intéressée par les conversations de sa table.
J’ai beau essayé de comprendre, tout ce que Disthène conte sonne abstrait. Son pouvoir est psychique, comme la plupart de ceux de ma lignée, et tant que je ne partage pas sa psyché, ce sera toujours un obstacle qui viendra désormais se dresser entre lui et moi. Cependant Calista fait l’effort d’écouter attentivement, le visage dans les mains, un grand sourire plaqué sur son visage de voir le prince se réjouir de son nouveau don.
Les autres invités prennent soin de ne pas poser de question indiscrète sur son voyage, les informations qu’on y découvre sur soi étant personnelles. Ils se contentent de le regarder passionnément alors qu’il tente tant bien que mal d’expliquer le principe de son don. La seule personne qui peut s’autoriser autant d’indiscrétion, c’est le roi ; Hargôn Rudhurath.
Lorsqu’il entre enfin dans la pièce, tout le monde se lève en silence et se courbe. Il domine chaque homme présent par sa grande taille et ses larges épaules soutiennent un port de tête parfaitement droit. Son apparence est particulièrement mieux soignée que d’ordinaire pour le bien de la cérémonie : il porte sa couronne, un cercle d’or épais incrusté de rubis, sa grande cape en peau habillée de poils duveteux. Sa peau est recouverte de marques tirant sur le doré, et elles sont en si grand nombre qu’on dirait plus qu’il possède des marques couleur chair sur une peau ambre. Sa grosse barbe brune déguise sa lèvre supérieure, mais j’y devine un semblant de sourire à la vue de Disthène.
Nous nous rasseyons mais mon frère reste debout. Père s’avance jusque lui, me dépassant sans un regard d’un pas théâtralement lent, et lui saisit les épaules avec ses grandes mains. Même Arsène cesse de faire le fier. « Mon fils, bienvenu à la maison. »
Disthène est rouge et rive les yeux sur moi en quête de soutien. Je hoche la tête pour qu’il se détende. Père lui dépose un baiser sur le front et le laisse reprendre place avant de s’assoir à ses côtés. Sur son assise majestueuse au centre de la longue table, ayant vu sur tous les convives, je m’attarde sur son profil durci par la fatigue.
Depuis la disparition de ma sœur, je ne crois pas avoir vu Père aussi épuisé. Tout est contracté ; ses veines sur le front, ses yeux qui luttent contre le sommeil. Ses poings sont posés sur la table, et il les garde fermés alors qu’il balaye les invités de son regard plissé. Ses rides se détendent quelque peu lorsqu’on amène les plats accompagnés de toutes sortes de légumes. Il hume discrètement les multiples senteurs et même moi, je perds le fil de mes pensées quand les champignons me passent sous le nez. Je ne sais guère par où commencer face à ce festival de couleurs. Des petits pots de fleurs rouges et jaunes, des marrons confits, des haricots en sauce, des carottes en rondelles, du maïs, des pains au beurre. Disthène est servi en premier pour l’occasion ; ses yeux s’agrandissent quand une louche de purée de betterave tombe dans son assiette, et sa langue passe sur ses lèvres lorsque la sauce aux figues coule sur sa portion d’omelette. Cela fait maintenant trois jours qu’il n’a pas mangé comme à son habitude ; à sa place, je serais affamée.
« Il va sans dire que d’ordinaire, nous nous permettons des frivolités plus impressionnantes, dit le roi de sa voix gutturale. Néanmoins, vous comprendrez qu’avec la situation actuelle, la famille royale a préféré plus de modestie quant à la cérémonie. Je vous remercie d’être présents à ce banquet pour honorer l’Éveil de mon fils, et vous remercie également de votre souci pour ma fille, la princesse héritière Neorah. Prenons le temps de penser à elle. »
Je baisse les yeux sur mon assiette sans bouger la tête. Il est vrai que la cérémonie donnée pour Neorah n’était pas de la même envergure. Le château entier était décoré pour l’occasion, et nous avions organisé une parade dans la Mélasse, la partie basse de la capitale. Les Haorn non seulement d’Adraga, mais aussi des autres villes alentours étaient venus. Plusieurs Miliciens étaient là, même certains Nirsil non-engagés, chose extrêmement rare. Lorsqu’un Haorn royal s’éveille à la capitale, une fête est aussi organisée dans la Mélasse où le repas est gratuit pour les Nirsil. Neorah avait été célébrée dans tout le royaume. En cette soirée où ni eux ni nous ne sommes assurés de son bien-être, les réjouissances ne peuvent être aussi grandes qu’alors.
Tout le monde se recueille sur la pensée de Neorah, et je jette un coup d’œil discret notamment à Atsame présent à notre table, un grand homme de la carrure de mon père, dont les yeux hagards m’agacent particulièrement. Fils du duc de Darza, le fiancé esseulé de Neorah semble plus déprimé de voir la couronne lui passer sous le nez qu’inquiet de la disparition de sa promise. Je détourne le regard, mais éprouve presque un malin plaisir à ce que sa déception soit si remarquable.
En revanche, le regard ambre de Père est perdu dans le vide dans toute sa sincérité. Il doit revoir ce joli carré brun, ces yeux amande emplis de bienveillance, réentendre cette douceur dans chacun de ses mots. Dur pour moi de ne pas en faire autant ; ma sœur est une personne sans pareille. Elle s’inquiète de tout et pour tout le monde, et son empathie prend toujours des proportions plus grandes qu’elle. Pour preuve, son pouvoir est l’un des plus beaux qu’un Haorn puisse posséder.
Je m’efforce tant bien que mal de garder ma consistance, seulement penser à Neorah en cet instant me remplit d’impuissance et de colère. Je me ressers brusquement du vin de fleurs sous l’étonnement d’Arsène. Le tintement du verre brise le silence de recueillement. Je l’avale d’une traite sans le savourer, et mon père daigne enfin remarquer mon existence. Sans un regard toutefois, il s’exclame : « Ambre, tiens-toi correctement. Maîtrise ton chagrin comme tout le monde. »
Je pince les lèvres. Je ne suis pas triste, mais sa remarque dite si sèchement devant nos convives me remplit d’animosité. Le poids des regards posés sur moi me hérisse les poils, mais avec la dignité qu’il me reste après m’être fait reprendre comme une enfant par le roi, je renverse tout de même la fin de la bouteille et lève le verre en sa direction avec la mâchoire serrée.
Lors du rite initiatique qui suit l’Éveil, un Haorn doit se rendre à la Montagne, lieu sacré où le fleuve Ganor prend naissance pour s’écouler du côté est d’Orazia. Il doit observer son reflet dans la cascade d’eau rose au sommet, une eau réputée pour ses propriétés curatives. Y aller du château doit prendre un peu moins d’un jour de marche, moyen de transport recommandé par nos coutumes pour méditer sur le Don et l’utilisation que nous en ferons.
Nous ne sommes guère loin de l’enclos des félins. Le repas fini, nous avons rejoint un grand pavillon aux formes rondes donnant sur un petit lac bordé de saules pleureurs, dans le jardin royal, à l’arrière du château. Il est élevé par de grandes colonnes en pierre, et nous sommes abrités sous son toit circulaire et bombé en fer forgé. La lumière de la lune éclaire le roi face à Disthène, pendant que nous sommes spectateurs de la cérémonie.
Pour celle de Neorah, nous étions bien plus nombreux. Mais la situation était différente. Son pouvoir s’est déclenché plus tôt que la normale, à quatorze hivers. Cela a surpris beaucoup d’Haorn qui, curieux de connaître son pouvoir, ont entrepris le voyage jusqu’au château.
Disthène pose un genou à terre, face à notre père. Sa cape blanche s’affaisse au sol, et dans son dos se dessine clairement en relief le blason d’Orazia. Il baisse la tête alors que le roi verse le contenu d’une urne dans une vasque où un mélange liquide a préalablement été disposé. Une poudre violette en surgit qu’il assemble soigneusement au mélange avec un roseau. Sa voix rauque ne contient aucune trace d’émotion. Une maigre sévérité en ressort toutefois.
« Cette renaissance est le commencement d’une nouvelle vie, une vie d’adulte. Ton Éveil t’a conduit à découvrir ton plein potentiel d’Haorn. (suite dans le manuscrit)