Premier Chapitre
Le vent chantait sa brise dans les feuilles du saule pleureur, telle une mélodie caressant un enfant endormi. Sous l’arbre, un jeune homme aux cheveux châtains, contemplait l’aube de ses yeux verts. Derrière les branches, Sawyer était à l’abri des regards. C’était son refuge. Son carnet sur les jambes, il écrivait sa peine, ses questionnements sur son existence, avant que le soleil soit plus haut dans le ciel et sonne l’heure de son départ. Quand vint midi, il rassembla alors ses affaires et rejoignit sa voiture, une boule au ventre. Le temps était venu d’écrire une nouvelle page de sa vie. Il aurait aimé mettre sur pause et rester sous ce saule protecteur, mais il lui restait encore beaucoup à faire.Sawyer était quelqu'un d'assez réservé, sans être pour autant timide et associable. De nature calme, l'irritation le gagnait pourtant en cette après-midi de début mai. Cela faisait une dizaine de minutes qu'il était arrivé, à bord d’un petit camion loué, devant sa nouvelle habitation, que déjà des visages avaient fait leur apparition aux fenêtres alentour. Il connaissait les raisons de ces regards braqués sur lui, et cela accentuait la raison de son agacement. La maison n'avait pas été habitée depuis bien longtemps, et ce quartier de Warlingham, une petite ville au sud de Londres, se posait des questions sur ce nouveau venu. Allait-il leur poser problème ? Ou se plierait-il aux règles du quartier ? Le calme à tout moment de la journée.
Retournant à son véhicule pour se charger d'un nouveau carton, Sawyer passa une main dans ses cheveux, et poussa sans retenu un soupir d'exaspération face aux regards inquisiteurs.
— N'y fais pas attention, dit un homme brun passant à côté de lui sur le trottoir. Dans ce quartier, tout le monde se précipite à son perron dès qu'une mouche pète...
Sawyer observa ce métis, qui devait à peu près avoir son âge, moins de trente ans, aux yeux couleur noisette, et vit immédiatement qu'il avait affaire à une bonne âme et non à un voyeur.
— Hum... Ils pourraient au moins se faire discrets… Grogna-t-il.
— Il faudra t'y habituer si tu emménages ici. J'habite là depuis plus d’un an, dit le garçon en désignant la maison en face celle de Sawyer, et ils m'épient toujours comme un étranger venant d'arriver.
— Leurs vies doivent être bien tristes alors.
— C’est ça... Au fait, je m'appelle Jason Harris,
— Moi c'est Sawyer Phoenix. Ravi de savoir que je vais avoir au moins un voisin sympa.
— Je le suis ! Dit Jason dans un grand sourire en bombant le torse. Et tu n'as pas l'air mal non plus, ça va faire du bien d'avoir un peu de jeunesse dans ce quartier.
— J'imagine...
Jason ne plaisantait pas, depuis qu’il habitait ce quartier, il avait constaté que seuls des retraités et des maisons vides l’entouraient.
— Tu as besoin d'aide pour décharger tout ça ? Proposa le métis.
— C’est sympa, mais je n'ai pas grand-chose, seulement quelques affaires personnelles.
— Si jamais, viens frapper à ma porte, je n'ai rien de prévu cet après-midi.
— Merci beaucoup Jason, répondit Sawyer en se chargeant d’un carton imposant.
— Il n'y a pas de quoi, et l'invitation tient aussi pour boire un verre.
Il ne fallut qu’une heure à Sawyer pour décharger le fourgon et répartir les cartons dans les pièces. L'entrée de la maison donnait sur un hall et sur les escaliers menant à l'étage. À gauche se trouvait la salle à manger, le salon et la cuisine américaine, le tout dans un espace ouvert sur un jardin par une grande baie vitrée. À droite, une buanderie, une salle d’eau avec toilettes, et un bureau. Le haut était composé de trois chambres et d'une salle de bain.
La nuit était tombée depuis un moment quand Sawyer s’assit dans le canapé. Il avait déchargé ses affaires, mais il avait surtout fait le ménage dans toute la maison. Hormis une pièce. Une chambre dont la porte était restée fermée et que Sawyer ne comptait pas ouvrir, laissant les fantômes à l’intérieur.
Enfin, Sawyer s'octroya un instant pour manger un morceau, mais le fait d'être assis seul dans cette grande maison si silencieuse, lui fit se sentir mal. Il se sentait oppressé par tout ce passé heureux dont étaient imprégnés les murs, mais qui avaient eu une fin tragique. Comme si sa place n'était pas ici. Plus il y pensait, plus il se demandait si son emménagement n'était pas une erreur. Pourrait-il supporter d'être entouré par tant de souvenirs au quotidien ? De reconstruire de bons moments dans cette maison, alors que les meilleurs étaient irremplaçables ? La question ne se posait plus, il le devait, un retour en arrière lui était impossible. Il lui fallait avancer.
Sans avoir fini son maigre repas, Sawyer monta à la salle de bain. Durant de longues minutes, sous l’eau chaude de la douche, il décontracta ses muscles endoloris d'avoir été trop crispés. Il ne bougeait pas, laissant ses pensées l’envahir, des images lui revenant en tête.
Dans sa chambre, il enfila un pull chaud et un jogging, prit son téléphone chargé d’appels ignorés et ouvrit la vitre pour monter sur le toit du garage. La maison voisine était attenante à la sienne, et l’une des fenêtres donnait sur ce même toit où il était assis. À travers les rideaux, il vit une faible lumière, mais il n'y prêta pas vraiment attention. Il s'installa dos à la route, descendit d'un mètre sur les tuiles pour allonger le haut de son corps et avoir ainsi le regard rivé sur le ciel. Il fuma une cigarette, puis en alluma une seconde. Sous ces étoiles, il avait le sentiment de ne pas être seul. Que quelque chose, quelqu’un, le guiderait sur son chemin. L’avenir lui était incertain et il avait peur, mais il avait pris la bonne décision, il le savait. C’était affreusement douloureux et terrifiant, si bien que de petites perles d’eau salées se formèrent au coin de ses yeux.
Ça y est, on y est chéri…
Tu as dépassé les bornes, et je t’en veux pour mettre tout ça à terre !
On pourra dire que c’est moi qui te quitte, certes, mais c’est toi qui m’as poussé dehors. Mon départ est la conséquence de tes agissements. Je me suis battu pour toi. Je l’ai fait de toute ma force, mais tu refuses de voir l’évidence, tu es malade. Il faut que tu l’acceptes et que tu te soignes, ce combat n’appartient qu’à toi. Comme il faut accepter le besoin que j’ai aujourd’hui de me retrouver et de me réparer.
La suite va être dure, tellement. Car si les gens pensent que c’était mon choix, alors ils se trompent lourdement. Il y a ceux qui sont contents, bien sûr, et ceux qui ne comprennent pas. Mais tous sont dans l’ignorance. Et puis au milieu de tout cela, il y a toi. Toi qui me harcèle de coup de fil que je n’ose pas prendre la plupart du temps. J’ai peur de ce moment où je vais te croiser. Où il faudra que je résiste et que je sois fort. Comment quitter quelqu’un qu’on aime ? Mais comment rester avec une personne qui nous fait tant de mal ? Le paradoxe est si important et en même temps si infime, que peu comprennent mes états d’âme. Mais comment leur dire que j’ai peur tous les jours pour toi, alors que j’ai fini par t’abandonner à ton sort ? Que j’aimerais être dans tes bras, tout en voulant les fuir. Que ça me fait mal à en crever d’être parti, mais que jamais je ne reviendrai. Que tu me manques chaque seconde, mais que je ne veux plus te revoir. J’ai presque envie de dire que c’est facile pour toi, tu as mal, et puis c’est tout. Moi je dois vivre avec la culpabilité d’avoir brisé notre union. Certains pourraient penser que ma tristesse n’est pas légitime, car c’est moi qui t’ai laissé seul. Je suis le méchant dans l’histoire, c’est ce qu’il te plait de dire à tout le monde, je le sais. Je te connais. Toi et ton esprit manipulateur. Tu sais ce qui est dur aussi ? C’est que je n’accepte pas qu’on te critique et qu’on t’insulte, mais j’accepte encore moins qu’on te plaigne ! Si seulement je pouvais claquer des doigts pour que tu disparaisses de ma vie, de mon passé, et surtout de mon futur ! QUE TU N’AIES JAMAIS EXISTÉ !!! Tout serait tellement plus facile… En attendant, je suis brisé. J’ai perdu toute estime et confiance en moi. Tu m’as détruit.
Je nous protège enfin de toi, pardonne-moi pour cela.
Après une longue nuit à peu dormir, Sawyer s'affairait dans le jardin pour le rendre présentable. Cela faisait trois heures qu'il coupait toutes les mauvaises herbes qui avaient envahi l'espace, quand il fut arrêté par les rires d'une jeune femme provenant de la rue. Un sourire vint à son visage à l'entente de ce son familier, et il alla ouvrir la porte d'entrée avant même que la sonnette ne retentisse. Sur le palier se tenait un couple, ses deux amis, Wendy et Arthur.
Sawyer avait rencontré Wendy un an plus tôt, au restaurant où travaillait la jeune femme à l'époque. À force de venir manger le midi pendant sa pause, ils avaient sympathisé et une amitié forte était née. Entre temps, Wendy avait trouvé un emploi comme guichetière à la poste de la ville, mais ils avaient gardé l’habitude de manger régulièrement ensemble.
Cette femme de vingt-six ans avait tout de la parfaite Irlandaise. De beaux yeux verts comme Sawyer, et une chevelure rousse flamboyante. Elle était de petite taille et rondelette, mais son énergie pouvait en épuiser plus d'un. Ce n'était pas le cas de Sawyer, qui aimait sa vivacité.
Il avait ensuite rencontré son mari Arthur, un sacré bonhomme. Celui-ci avait fait craquer le cœur de Wendy durant un séjour chez son frère en Irlande, et la belle l'avait rejoint à Warlingham au bout de seulement deux mois. Un an plus tard, ils s'étaient mariés et vivaient maintenant dans le centre-ville. Tout était allé très vite, mais cela leur correspondait bien, étant tous les deux de grands impatients. Ils étaient un couple connu de tous, de par leur travail respectif et leur décalage physique. Arthur effleurait les deux mètres. Son corps était sculpté dans la pierre. Sa carrure lui servait bien pour son poste dans la brigade policière de Warlingham. Les voir côte à côte amusait les gens, à cause des quarante-cinq centimètres les séparant, mais Wendy aimait cela car Arthur devait la soulever tendrement pour pouvoir l'embrasser.
— Hey mon Saw ! Dit gaiement Wendy en prenant son ami dans les bras. Comment ça va ?
— Comme ça le doit, répondit Sawyer.
Il serra la main d’Arthur et les invita à entrer. Le couple fut stupéfait par le travail réalisé dans le jardin, connaissant déjà la maison pour être venu quelques jours plus tôt. Les rares fleurs étouffées par les hautes herbes, étaient à nouveau libres et entourées de galets. Le sol ressemblait dorénavant plus à une pelouse, qu'à un champ abandonné. Et l'unique arbre, le pommier qui se trouvait dans un angle, avait été taillé. Il restait encore à aménager le tout avec des fleurs supplémentaires et des meubles de jardin, mais c'était un début très prometteur.
— Je vois que tu as déjà tout mis en ordre, remarqua Wendy une fois installée. On aurait pu t’aider si tu avais déménagé aujourd’hui.
— Non c’est bon, répondit Sawyer. J’avais besoin d’être un peu seul.
- Tu as de ses nouvelles ? Demanda Arthur sans avoir besoin de mentionner le nom de Brent, l’ex conjoint de Sawyer.
— Oui et non. Il n’a pas cessé de me harceler, mais je n’ai pas répondu depuis l’autre jour.
— Et tu ne dois pas, s’exclama Wendy. Il t’en a assez fait baver comme ça, il ne peut pas te laisser tranquille bon sang ?!
— S’il te plait Wendy, ne t’énerve pas encore une fois… Demanda Sawyer d’une voix las.
— Pardon, changeons de sujet alors. Comment se passe ton emménagement ? Questionna-t-elle avec une douceur absolue.
— Et bien c’est étrange d’être de nouveau ici… Dit Sawyer en regardant autour de lui. Mais c’est le moment.
— Oui, une nouvelle page s’écrit, répondit Arthur en passant une main réconfortante dans le dos de Sawyer.
Les trois amis passèrent un bon moment ensemble, même si Sawyer avait le cœur en berne. Le couple avait le don de le faire rire, mais en ce jour il fallait qu’il se force un peu. Ils firent une partie de ping-pong sur la table qu’ils trouvèrent dans le garage et profitèrent du soleil pour se balader dans la colline attenante au quartier.
Le lendemain matin, Sawyer sortit à huit heures et demie, son thermos de café sous le bras, et s’installa au volant de sa voiture. En quittant sa place, il vit dans son rétroviseur une ombre l’observer à travers les rideaux de la maison voisine. Il aurait pu en être effrayé, mais sans qu’il ne sache pourquoi, ce ne fut pas le cas. Il l’observa un moment, lui signifiant ainsi qu’il la voyait, mais l’ombre ne bougea pas. Alors Sawyer finit par partir et l’ombre l’imita.
Sawyer se gara en ville et marcha jusqu’à l'angle d'une ruelle. Il ouvrit la porte de la petite librairie à la devanture en bois, où il travaillait depuis près de quatre ans. En entrant, un agréable parfum de poussière et de vieux livres lui envahit les narines, le mettant immédiatement dans de bonnes dispositions. Il aimait le calme constant qui régnait ici. Ce lieu était un havre de paix. Les gens venaient flâner entre les bibliothèques pour trouver une histoire qui les feraient voyager. Il y avait ceux qui se laissaient guider par Sawyer, ne sachant pas de quoi ils avaient envie ou besoin. Ceux qui venaient avec une idée précise en tête sans qu’on puisse leur faire changer d’avis. Puis, les imprévisibles. Sawyer adorait voir une rebelle choisir un roman d’amour, ou un jeune homme introverti se tourner vers un récit d’aventure. Grâce aux livres que ses clients choisissaient, il pouvait percevoir ce qu’ils cachaient au fond d’eux, et devenait ainsi un gardien de leurs secrets.
La librairie était constituée d’une longue pièce au parquet usé par les pas, où s'imposaient de belles et grandes bibliothèques sculptées dans un bois sombre, coupant en deux la boutique et couvrant quasiment tout le côté droit. Il restait juste la place pour le petit comptoir à l’entrée, où était posée la vieille caisse enregistreuse métallique. Sawyer aurait pu la changer pour une plus moderne, mais elle apportait un certain charme, et tous les clients l’aimaient. Sa patronne et lui étaient les seuls à savoir encore la manier. Sur la gauche, le mur était composé d’un soubassement en bois, sur lequel reposaient de longues vitres allant jusqu’au fond de la librairie et qui laissaient la lumière naturelle pénétrer, imprégnant le lieu d’une douce chaleur. C’était ce que Sawyer préférait dans cette librairie. À travers cette paroi vitrée, on pouvait voir une petite cour intérieure accessible par une porte en chêne. L'endroit était un peu délaissé, la propriétaire n’y voyant aucune utilité. Cela chagrinait d'ailleurs Sawyer qui y voyait lui un réel potentiel, mais pour elle ce n'était qu'un passage pour accéder à la remise, aux toilettes, et à une petite kitchenette. Pourtant il y avait de la place et le mur en pierre couvert de lierre, méritait d’être sublimé. Sawyer s'était toutefois permis d'y installer une table et une chaise, pour profiter du beau temps, quand il était au rendez-vous, durant ses pauses du midi. Il semblait bien seul au milieu de tout cet espace vide et des plantes laissées à l’abandon, mais cela lui convenait.
Sawyer s'entendait très bien avec sa patronne. Christie, malgré son apparence stricte avec ses cheveux gris serrés dans un chignon, était très gentille et douce. Sawyer ne la voyait que rarement, car Christie gérait sa librairie de Londres qui était bien plus imposante. Celle de Warlingham avait été sa première acquisition bien des années auparavant. Très présente dans les débuts du jeune homme, elle avait ensuite eu une entière confiance en lui pour gérer seul la boutique. Il fallait dire qu'il n'y avait pas tant de travail que cela. La ville n'étant pas bien grande, seule une vingtaines de personnes passaient dans la journée. Cependant Sawyer prenait son travail très au sérieux. Il était de bon conseil pour les clients, et connaissait bien les goûts des habitués. Il lisait la plupart des nouveautés de sa boutique, ou tout du moins en connaissait les lignes principales. Le travail de classification n'était pour lui qu'une formalité, mais ceci aussi il le faisait consciencieusement.
Le lundi, Sawyer ne fermait pas le midi et finissait à quinze heures, lui laissant une après-midi de libre pour pouvoir faire des courses si besoin, ou toute autre activité. Seulement depuis quelques temps, il avait pris une nouvelle habitude en quittant son travail. À la sortie de la ville, il y avait un vieux parc pour enfants qui ne servait plus depuis qu'un autre avait vu le jour en plein centre-ville, six ans plus tôt. Les jeux avaient été démontés, ne répondant plus aux normes de sécurité, et les promeneurs s’y faisait maintenant rares.
Sawyer gara sa voiture près de la rivière et alla s'asseoir sous le saule pleureur, écouteurs aux oreilles. Il aimait cet arbre, plus que les autres. Il avait quelque chose de majestueux, et en même temps il donnait l'impression de porter le poids de la vie. Comme s'il détenait les secrets de ses visiteurs, les peines de Sawyer.
Les rayons du soleil passaient entre les longues branches flexibles du saule, réchauffant le corps constamment froid du garçon. Ce dernier ferma les yeux le temps d'une chanson, et se laissa bercer par le vent qui s'engouffrait sous l'arbre. Quand il les rouvrit, un autre jeune homme était présent dans le parc, une vingtaine de mètre plus loin. Toujours le même.
Sawyer savait qu'il serait là, car il faisait comme partie du décor. Il aimait aussi venir en ce lieu pour cette raison. Il aimait voir ce grand brun aux cheveux ondulés, s'occuper de cet endroit abandonné. Il prenait soin des fleurs et des arbres. Redonnait une prestance aux buissons éparpillés en les taillants avec minutie. Sawyer voyait à quel point le garçon était appliqué et surtout passionné. Sans jamais lui avoir adressé la parole, ou croiser son regard, il imaginait un homme doux et gentil. Sans brusquerie, mais au contraire avec des gestes délicats, on pouvait dire qu’il coupait les branches et tiges avec douceur. De le voir ainsi faire était apaisant pour Sawyer. Comme observer un peintre réaliser son œuvre.
Il ne savait pas si c'était le lieu, ce jardinier, ou les deux réunis, mais il avait besoin de ce moment. Une fois par semaine, il avait besoin de ce tableau pour seulement évacuer en douceur et ne plus penser durant quelques heures. Et c'est ce qu'il fit. Il ne pensa plus à rien, se laissant presque aller aux songes, jusqu'au retentissement d'une sonnerie. D'un geste rapide il prit son téléphone pour couper l'alarme qu’il avait programmé signifiant son départ, et se mit debout. L'autre homme ne leva pas la tête, il était habitué à ce rituel.
Arrivé devant un portail bleu, Sawyer entra sans même sonner. Á peine le seuil de la porte passé, une petite frimousse de bientôt trois ans aux boucles brunes et aux yeux verts, courut dans ses bras ouverts.
— Dadaaaa !
— Comment va mon p'tit cœur ? Demanda Sawyer dans un câlin.
— Je suis trop contente de te voir ! Cria-t-elle.
— Moi aussi mon ange. Comment s’est passé ton week-end chez les cousins ?
— Trop bien !
— Tu vas me raconter tout ça. Mamie et papi sont là ?
— Bonjour mon grand, dit alors une femme d’une soixantaine d’année.
Il se releva, toujours la petite dans les bras, et embrassa Erin arrivée à sa hauteur.
— Marley était très impatiente de te voir.
— Dis Dada, je viens avec toi à la maison ?
— Pas aujourd’hui ma chérie, je mange avec toi ce soir et je reviens te chercher vendredi. Mais tu verras, ta chambre est magnifique ! En attendant, emmène-moi voir papi.
Marley lança un petit cri de joie et courut à toutes jambes à travers la salle de séjour pour rejoindre le jardin par la véranda. Sawyer et Erin la suivirent plus modérément et la trouvèrent à sautiller autour de son grand-père dans l'herbe humide. L'homme, outils en main, était en train de monter un portique comprenant balançoire et toboggan, non loin d'un grand cèdre dans leur vaste jardin.
— Tu l'as bientôt fini Carl ? Lui demanda sa femme.
— Bientôt, mais je ne sais pas si ......