Premier Chapitre
1— AYDEN !
Mon hurlement se perd dans la tempête. Le grondement des flots en furie s'allie au vent déchaîné pour couvrir ma voix.
— AYD...
Les vagues me submergent, l'eau salée envahit ma bouche, irrite ma gorge. Je n'ai plus d'air. Les courants me ballottent comme une vieille poupée de chiffon. Plus rien n'a de sens, j'ignore dans quelle direction déployer mes efforts, je gesticule frénétiquement à la recherche d'oxygène. Je suffoque. Je me noie. Non. Je retrouve la surface. La pluie battante et les vagues qui se jettent sur moi m'empêchent presque de reprendre mon souffle.
— AYDEN ! AYDEN !
Je crache mes poumons. Le sel ronge mes yeux et mes larmes ne font qu'un avec la mer meurtrière. Je nage à l'aveugle dans le noir, en Enfer.
— AYDEEEEN !
Je deviens folle. Je meurs. Je hurle encore et encore le prénom de mon frère. Je dois le retrouver, l'aider. Mais le vacarme de la tempête m'empêche sûrement d'entendre sa réponse. L'eau m'enveloppe, me tire en arrière. Je me débats.
— NON ! AYDEN !
Le courant est plus fort que moi. Il m'enserre, m'attire avec lui avec fermeté, sans jamais me submerger. Il ignore l'énergie monstre que je déploie pour le contrer. Il m'emmène au loin, loin de mon frère. Mes pieds effleurent le sable, la force continue de me ramener vers la plage. Je trébuche quand j'ai de l'eau jusqu'aux cuisses et me redresse, tremblante. Je ne sens plus mon corps. Autour de moi, la mer est tiède et aussi paisible qu'un lac. Mais, à quelques pas, son courroux éclate.
Je veux y retourner, je dois y retourner ! Je m'élance, me heurte à de violents courants qui me font tomber à genoux. Des courants si puissants, en dépit du calme des flots, qu'ils m'empêchent de m'enfoncer plus profondément dans la mer. Pourtant je lutte de toutes mes forces. Je crie, je force sur mes jambes pour avancer, pour retrouver Ayden, pour le sauver. Mais l'eau me retient ici, m'interdit de retourner vers les profondeurs. Je n'ai plus de force, plus de souffle, je ne vois plus rien. Tout près de moi, les vagues infernales se déchaînent, avalent tout sur leur passage, et la blancheur de leur écume reflète la lumière de la lune. Moi, elles m'épargnent, me contournent. Même le vent, pourtant si vigoureux, ne fait que m'effleurer. Je suis folle. Je suis impuissante.
— AYDEN !
Je fais volte-face et me rue vers la plage. Mes jambes vacillent, peinent à supporter mon poids. Je cours sur le sable, les galets et les rochers coupants, aussi vite que possible, en direction des maisons avoisinantes. Je crie, je hurle, je m'époumonne.
— AIDEZ-MOI ! AU-SECOURS ! JE VOUS EN SUPPLIE, AIDEZ-MOI ! PITIÉ ! QUELQU'UN ! AIDEZ-MOI !
Des lumières s'allument, des portes d'entrée s'ouvrent, des silhouettes apparaissent. Je n'entends pas leurs voix, uniquement la mienne.
— MON FRÈRE EST DANS LA MER ! IL EST DANS L'EAU ! IL FAUT L'AIDER ! JE VOUS EN SUPPLIE !
Mon corps lâche, je m'effondre, vide.
— Ayden... Il faut le retrouver...