Premier Chapitre
CHAPITRE ILES BONNES NOUVELLES
Violette était heureuse, elle allait enfin pouvoir changer de vie, partir loin d'ici, enterrer son passé, ses souffrances, sa vie misérable.
Creuser un grand trou très profond, qui une fois son fardeau déposé, sera recouvert d'une terre lourde bien tassée, piétinée, pilonnée. Puis ensuite, une épaisse couche de caillasses dures finira d'obturer cette fosse...
Oublier pour toujours, telle une amnésie fulgurante et salutaire. Pas besoin de thérapie, de séance de psychologie, d'hypnose, de gélules roses ou bleues. Aucun rappel, aucun flash, aucun souvenir. Lessiver, balayer, anéantir. Elle ne se retournerait jamais.
Une nouvelle vie s'offrait à elle, grâce à la mort de sa mère, d'une approximative mère ! Elle ne l'avait pas choisie. La vie lui avait imposée, aussi vite que sa mère l'eut aimée. Juste le temps de ahaner, de souffler, de s’époumoner, de l’expulser !
Un malheur pouvait bien apporter un peu de bonheur. Pour une fois, une seule fois, une toute petite fois, mais enfin la bonne !
Violette n'avait jamais eu de bonnes relations avec sa mère, disons, qu'elle était obligée d'être sa fille puisqu'il en était ainsi, ça s'arrêtait là ! Une mère, une fille, fin de l'histoire.
L'éloignement, le temps qui passe, les divergences, les rancœurs, ont fait qu'elles ne se voyaient plus depuis bien longtemps, depuis la mort de son père sûrement.
Son père, lui, était un homme adorable, aimant, joyeux. Ses yeux brillaient dès qu'il l'apercevait. Il la chérissait ! Il aurait pu l'aimer encore plus si cette mère lui avait permis de le faire ! Elle avait bâti un mur autour du cœur de cette petite fille pour mieux l'isoler de la moindre affection altruiste. Ce même cœur qui à présent ne pouvait laisser couler une seule larme pour cette femme décédée aujourd'hui. Toutes les larmes de son corps avaient été versées pour son père voilà plusieurs années déjà...
Elle était donc la seule héritière légale d'une jolie petite maison en plein Marais poitevin, à Arçais plus exactement.
C'était un magnifique petit village entre eau et verdure, une perle des Deux-Sèvres qui inspirait au repos et à la joie de vivre, pourvu que ses habitants veuillent bien vous le permettre ! Sa mère lui avait aussi interdit cela.
C'était un endroit tellement différent du Loiret où elle vivait depuis l'âge de vingt ans. Elle y avait suivi ce qu'elle avait cru à l'époque, l'amour de sa vie !
Douze années de trop...Douze années de tristesse, de dureté, de rancœurs, de douleurs...L'amour avait si peu duré, aussi peu ou autant que celui de sa mère, c'était pour dire !
Mais tout ceci ne serait bientôt qu'une vieille histoire à enterrer avec le reste au plus profond de l'écorce terrestre ! Une nouvelle naissance en sorte.
La colère, les regrets, l'incompréhension de ce manque d'amour maternel, d'amour tout court, ne lui laissaient aucune honte à minimiser son chagrin. Sa mère en avait-elle eu une seule fois pour elle, sa fille unique ? Quand elle fut terriblement seule ? Quand elle eut si mal ? Quand l' humiliation l'avait anéantie ? Quand son ventre criait famine, quand le même ventre se fut arrondi, rempli puis débondé ? Non jamais !
Ce soir, elle avait de belle choses à dire à ses deux amours, Milaine et Théo. Les fruits de son ventre, de son corps, de son cœur, ses amours rien qu'à elle. Ce fut sa seule raison de rester debout, de se battre, de vivre...
Milaine était une adorable petite fille de cinq ans, jolie blondinette aux deux grands yeux bleus qui lui mangeaient tout le visage d' un teint rosé d'une poupée de porcelaine, tout en délicatesse et finesse. Cette enfant souriante et aimante, possédait une maturité incroyable pour son âge, un esprit vif et curieux et une rare sagesse. Oui, Milaine était parfaite aux yeux de sa maman. Un trésor qui méritait tellement plus que ce qu'elle avait pu lui offrir jusqu'à maintenant !
Puis vint Théo, deux ans après Milaine. Le diablotin aux yeux noirs d'un éclat si particulier. Contrairement à sa sœur qui illuminait par sa clarté, ce garçonnet de trois ans, très brun à la peau mâte, vous caressait de ses tons chauds, méditerranéens. Il savait déjà jouer de sa séduction pour arriver à ses fins, un adorable petit coquin qui savait manipuler la gente féminine avec perfection ! Serait-ce une qualité ou un défaut pour l'homme qu'il sera plus tard ? Violette se le demandait souvent.
Il fallait dire que les papas respectifs étaient eux-mêmes le jour et la nuit, le soleil et la lune , le désir et le hasard, la déception et l'acceptation, le rêve et la réalité... Deux enfants si différents et pourtant, pour rien au monde, elle aurait souhaité ne pas les avoir eus.
Puis il y avait Lison, sa meilleure amie, sa petit sœur.. Celle qu'elle aurait tant aimé avoir quand elle était petite et si seule... Ce soir, sa Lison va être si heureuse quand elle lui aura parlé de tous ses projets, de leur avenir. Car cette petite sœur de cœur ferait parti du voyage au même titre que ses enfants. Jamais elle ne pourrait l'abandonner à son sort.
Violette, avec toute la douceur d'une mère aimante, prit ses enfants par la main pour les conduire vers le canapé et enfin, leur annoncer la grande nouvelle, la belle promesse de bonheur, celle d'une vie tant rêvée pour eux.
─ Mes chéris, assoyez-vous là et écoutez moi bien, j'ai à vous parler. Enfin, plutôt vous annoncer une bonne nouvelle.
Milaine et Théo furent très surpris par le ton solennel de cette demande, alors, sans rechigner, ils s'installèrent tous deux sur le petit divan tout râpé, dont la teinte entre beige et gris fortement décolorée par le temps, faisait encore office d'assise confortable !
─ Voilà mes anges, on va aller vivre à la maison de votre grand-mère, au grand air, au soleil, ce sera chez nous !
─ Celle qui est morte ? demanda Milaine .
─ Oui, ma puce, celle qui est morte... C'est une jolie maison avec plein d'eau autour et beaucoup d'arbres et de fleurs, un grand jardin pour vous tout seuls !
─ Pour jouer ! s'esclaffa Théo tout excité par cette idée.
─ Oui, pour jouer, se rouler dans l'herbe, chanter à tue-tête, taper dans le ballon, construire une cabane, répondit Violette, tout aussi emballée que ses enfants.
─ Pourquoi on l'a jamais vue nous ta maman, osa Milaine, elle était méchante ?
Juliette eut un coup au cœur, pensant que ses enfants avaient été privés du bonheur que peuvent apporter normalement les grand-parents...Pour cela aussi elle avait haï sa mère !
─ Oh non mes amours, elle n'était pas méchante non, juste... différente, cherchant les mots appropriés pour ne pas choquer ses enfants.
─ Et ton papa, il était différent alors lui aussi ? continua la petite fille.
Théo s'était arrêté de remuer dans tous les sens pour mieux écouter sa maman.
─ Lui, c 'était un grand chevalier, mon héros et il vous aurait adorés ! Si seulement... les yeux embués de chagrin.
─ Si seulement quoi ? reprit Théo très intéressé.
─ Si seulement il pouvait être encore là parmi nous, il aurait été très fier de vous, de mes deux petites grenouilles, leur chatouillant le dessous du menton pour passer à autre chose.
─ Et c'est quand on part, tout de suite ? continua le petit garçon très pétulant de cet agréable changement !
─ Bientôt mes anges, bientôt, encore deux petites semaines... Pour les prochaines vacances scolaires ! Il va falloir commencer à bien tout trier, faire des cartons de vos jouets, jeter les cassés, les vêtements trop petits aussi, puis, nettoyer la maison et... bonjour le Marais poitevin ! leur ébouriffant les cheveux en tout sens !
─ Le quoi maman ? s'enquit Milaine tout en pouffant sous la caresse joyeuse de sa mère !
─ Le Marais poitevin. C'est une très belle région, pas très loin de la mer, où il fait bon vivre, avec du soleil, du vent, des oiseaux, le paradis mes chéris !
─ Le paradis ! reprirent les enfants en chœur, les yeux grand ouvert et un large sourire rêveur.
─ Et on ira à l'école où ? s'inquiéta Théo tout à coup.
Il venait tout juste de commencer sa première année de petite section maternelle.
─ Là bas ! Il y a aussi une jolie petite école avec des tas de petits copains qui t'attendent, et puis Milaine y sera aussi ! voulut le rassurer Violette.
─ Mais y' aura pas mon copain Mathieu avec moi dans la nouvelle école ! s'inquiéta alors le petit garçon.
─ Pas celui ci, mais je suis certaine qu'il y aura un nouveau Mathieu pour jouer avec toi.
─ Non, je veux mon mien à moi ! se fâcha Théo.
─ Le mien Théo, le reprit Milaine, aussi inquiète que son frère de ce grand changement.
Milaine aussi avait ses amies et habitudes, et sa maîtresse était tellement gentille. Mais en voyant le bonheur de sa maman à cette perspective de départ, elle ne pouvait pas l'ennuyer avec ça. Elle était la grande sœur et se devait de donner l'exemple.
─ Tu verras Théo, on sera bien là bas ! Milaine prit alors la main de son petit frère pour le rassurer mais aussi et surtout, pour se rassurer elle-même.
Violette savait que ce serait difficile au début mais les enfants s'habituent si vite, elle ne voulait pas s'inquiéter plus que cela, son nouveau bonheur ne devait pas être entaché.
Elle avait compris à ce moment précis, que sa petite Milaine venait de lui donner l'absolution et qu'elle prendrait soin de son petit frère pour que tout se passe bien.
Elle se leva pour mettre un terme à son annonce et posa un regard tendre sur ses deux amours. Que c'était bon de pouvoir enfin se tourner vers un avenir meilleur, prometteur.
Enfin un « chez elle » Rien qu'à eux...
Puis un peu d'argent aussi... celui que sa mère a économisé toute une vie. A t-elle su qu'un jour tout cela lui reviendrait, à elle, sa vilaine fille ?
Violette émit un doute quant à cette éventualité, mais le destin en avait décidé autrement, ou plutôt la mort !
Elle avait fait un aller-retour sur une seule journée, ce 31 juillet plus exactement, pour les funérailles de sa mère jusqu'à Arçais. Peu de monde aux obsèques, quelques habitants, très peu d'amis, encore moins de famille étaient présents.
Tout avait été organisé à l'avance par la défunte, du début jusqu'à la fin. Un contrat souscrit à peu près au moment de l'enterrement de son père... Elle avait dû avoir une ristourne prétextant la forte dépense pour son feu mari, maugréa Violette intimement !
La fille de la défunte était là au même titre que les autres, en spectatrice, se sentant étrangère, essuyant quelques regards intrigués ou réprobateurs. Pas de larmes, peu d'échanges verbaux ou réconfortants, et encore moins d'amabilité.
Elle devait passer pour une peste de fille qui a laissé partir sa propre mère, seule et malheureuse... Depuis toutes ces années qu'elle n'était venue, ça ne pouvait être que de sa faute du reste !
Mais Violette n'en était pas à régler ses comptes ni à se justifier, il faudra bien que ces habitants s'habituent à la revoir dans la région, puis elle connaissait si peu de monde en réalité !
Elle avait vu le notaire dans la foulée pour éviter de revenir une nouvelle fois. Fille unique, la succession en était plus que facilitée, tout lui revenait...
« Comptez deux à trois mois Madame et tout ceci vous appartiendra » Lui avait rétorqué Maître Moreau. Il lui avait demandé ce qu'elle comptait faire, posé diverses questions sur sa vie, ses enfants et avait été très surpris quand elle lui avait répondu qu'elle viendrait certainement s'installer dans la maison.
Elle ne souhaita pas rentrer dans les problèmes relationnels avec sa mère, il était trop tard pour dire toute son aigreur. La croirait-il d'ailleurs ? Il devait bien en savoir plus qu'il ne voulait bien le laisser penser... Sa mère avait bien dû toutes ces années se faire plaindre ou pleurnicher sur son sort.
Violette quitta ses réflexions pour reporter son attention sur cet homme peu affable.
La bonne cinquantaine, pratiquement chauve, le visage maigre aux saillies osseuses accentuées, avec en son milieu, un nez tout aussi fin mais cruellement crochu, une bouche sans lèvres disparaissant dans un pincement amer, le tout donnant à ses yeux myopes grossis derrière d’épaisses lunettes rondes, un air fouineur, étrange, déconcertant, peu amène à vous confier !
Elle ne perdit donc pas de temps pour reprendre la route, elle devait être rentrée le soir même pour ses enfants et surtout, pour libérer Lison.
Elle n'avait pas eu le temps de se rendre dans la maison familiale, mais rien d'urgent l'y attendait, elle s'en occuperait une prochaine fois...
Le notaire avait fait le nécessaire assez rapidement en lui envoyant quelques jours plus tard, une évaluation sommaire avec le descriptif des biens, comptes détaillés et bien entendu, les frais de succession s'y référant. Elle serait réellement propriétaire vers la mi novembre, en signant alors les papiers notariés définitifs...
« Il sera bien temps au moment voulu à ce que les gens s'habituent à mon retour au pays » Pensa Violette malgré elle, un peu inquiète après coup, par la froideur des gens entrevus lors de la cérémonie. Ces mêmes gens qui devaient penser qu'elle avait délaissé sa maman, et encore plus sur ses vieux jours, et cette idée la rendait malade. Rien n'aurait dû se passer ainsi si les choses avaient été normales...
Mais ils ne savaient rien de ce qu'il s'était passé vraiment. Les histoires de famille cachent souvent de lourds secrets, des douleurs éternelles, des rancœurs aux failles à tout jamais ouvertes …
Elle, elle savait !
Pour permettre à Violette de se rendre aux obsèques de sa mère, sans souci de garde pour ses enfants, Lison était venue s'occuper des deux petits. Que n'aurait-elle pas fait pour son amie, toujours si présente et bienveillante pour elle.
Elle était arrivée chez Violette vers 5 Heures du matin lorsqu’elle fut certaine que Paulo décuvait et dormait profondément. Les ronflements sonores et gras lui en avaient donné la preuve. Il reprendrait ses esprits plus tard dans la journée !
Ce soir là, quand Violette rentra d' Arçais, Lison eut juste le temps de repartir à temps pour ses clients de la nuit, les petits dormaient déjà.
─ Faudra que je te parle très vite ma belle, je passerai, allez file Lison si tu ne veux pas d'embrouilles !
Paulo n'y aura vu que du feu ! Pourvu que les filles soient au turbin à l'heure le soir, la journée, il se souciait peu d'elles, même s'il gardait un œil sur leur vie privée, histoire de...
Violette se détourna de ses pensées et reprit le cours de son dialogue avec ses enfants.
─ Je dois m'absenter un petit moment ce soir, je dois voir Lison. Aussi, je vais fermer les volets électriques et la porte d'entrée et vous regarderez un peu la télévision. Je vous veux très sages, n'est-ce pas Théo ?
Le petit bonhomme fit un sourire enjôleur comme il savait si bien faire pour toute réponse.
─ Milaine, je ne vais pas rentrer tard, une petite heure tout au plus. Je vous fais confiance , vous ne touchez à rien, et je vous...
─... Interdit de répondre ou d'ouvrir à la porte ! coupèrent les enfants en chœur !
─ C'est bien mes chéris, tout en faisant claquer un gros baiser sur chacune des joues roses et rebondies de ses enfants. Puis, elle enfila une petite veste de jean délavé et prit son sac à main d'un rouge vernis à ongles, un cadeau de Lison.
Après avoir fermé les volets et jetant un dernier coup d’œil aux enfants, elle claqua la porte derrière elle et tourna la clef dans la serrure.
« C'est mieux ainsi, Théo est trop intrépide pour laisser la clef à sa portée, puis je vais faire vite»
Se persuada t-elle en retirant celle-ci pour la ranger dans la poche de sa veste.
La petite maison se situait dans une étroite rue, où seule la porte d'entrée donnant sur un escalier abrupt reliant l'étage, ornait la petite façade. Une fois en haut, on trouvait trois pièces. Deux chambres séparées par un minuscule cabinet de toilette et une salle commune avec coin cuisine. Les trois fenêtres à l'arrière de la maison, donnaient sur une végétation dense et mal entretenue le long d'un ancien sentier longeant le canal. Plus personne ne passait par ici....
Le seul luxe de cette habitation, était les volets roulants manuels rénovés depuis peu par le propriétaire pour changer les fermetures en bois rongés par l'humidité. Bien entendu, le loyer avait très vite été augmenté pour récupérer un peu de ses dépenses ! Violette avait loué le logement en meublé, enfin , il fallait ne pas être trop exigeant, il fallait plutôt dire le strict minimum pour vivre. Deux grands lits aux matelas affaissés, une table, quatre chaises, un bahut.
Mère isolée avec deux enfants, la petite famille touchait quelque prestation qui lui permettait de payer une modique somme mensuelle pour cette location. De toute façon, il aurait été stupide de s'octroyer une plus grande dépense étant donné la vétusté du bâtiment, Violette en était bien consciente. Mais les loyers restaient très chers dans la région alors faire la difficile avec deux enfants, ce n'était pas dans ses cordes !
Chaque centime était compté et il n'y avait pas de place pour des dépenses dérisoires... Mais pour autant, les enfants ne manquaient de rien. Ils avaient à manger, étaient correctement vêtus, et ne souffraient pas du froid ! C'était un point d'honneur pour cette maman qui travaillait dur pour eux. Le luxe, ils ne l'avaient jamais côtoyé, aussi, ils étaient heureux de cette petite vie simple et remplie d'amour maternel !
Violette avait donné rendez-vous à Lison dans un chic commerce de la rue du port où passait le Canal de Briare. Ce quartier de la pêcherie approvisionnait autrefois Paris de ses poissons vivants. La ville de Montargis est aussi appelée « la Venise du Gâtinais » pour ses nombreux canaux avec pas moins de cent trente ponts ou passerelles qui relient les ruelles traversées par le Vernisson, Canal de Briare, d'Orléans et le Loing. La ville faite d'îlots, est magnifiée par ses maisons à colombages, ses tourelles, des hôtels particuliers style Renaissance... Ses habitants peuvent profiter d'un parc immense en plein cœur de la cité, arrosé par le Vernisson et le Puiseaux, qui appelle à la détente, loisirs, promenade... On peut y admirer également les vestiges du Château de Montargis, gardien du temps royal...
Cet endroit aurait pu être absolument agréable à vivre si Violette y avait vécu sereinement... Mais une chose était sure, elle ne regrettera rien ni personne quand elle sera partie d'ici. Son vécu ici même lui laissera toujours un goût amer, une plaie ouverte envenimée, un traumatisme sanieux...
Lison, l'amie confidente, la partenaire de certains soirs, la petite sœur de cœur, aura eu une bien drôle de vie elle aussi. Pas mariée, pas d'enfant. Elle a été maquée dès son plus jeune âge, depuis ses seize ans plus exactement, et, encore aujourd'hui, à vingt-huit ans, elle restait sous l'emprise et la contrainte de Paulo.
Paulo, le beau, le séducteur, le gentil, l'amant parfait... Puis Paulo le méchant, le rabatteur, le proxénète ! Il les a toutes ensorcelées puis mises sur le marché de la rue ou d'une pauvre chambre sale et délabrée ! Toutes les filles un peu pommées tombaient amoureuses de lui pour finir dans ses filets... Enfin à l'époque, car aujourd'hui, ce n'était pas sa beauté qui les attirait mais plutôt sa cruauté ! Lui c'était le grand boss à présent, des jeunes et beaux rabatteurs travaillaient pour lui.
Lison, c'était aussi un joli brin de fille. Brune, bien proportionnée, très sensuelle, qui a du chien comme on dit. Elle avait de grands yeux noirs magnifiquement ourlées de longs cils recourbés, mais d'un regard si triste... Elle ne possédait rien d'autre que sa beauté. Elle était juste prisonnière de Paulo qui veillait à son derrière et ne la lâchait pas d'une semelle ! Un tiroir-caisse , voilà ce qu'elle représentait en tout et pour tout, il savait le lui rappeler régulièrement !
Violette elle, l'aimait tant sa petite Lison ! Elles ont vécu la même chienne de vie, la même misère, la même emprise, les mêmes sévices...