Premier Chapitre
Chapitre I : Madam'L– Clémence ? Tu es avec nous ?
J'arrêtai instantanément de dessiner sur mes feuilles à demi cachées sous ma maquette du mois d'octobre pour lever les yeux vers ma supérieure. Celle-ci me regardait du bout de la table d'un air peiné, entourée de tous les rédacteurs du journal qui s'étaient figés, me fixant comme si j'allais à l'échafaud.
– On peut savoir ce que tu fais, là ? continua-t-elle d'une voix qui cachait mal son exaspération, tu écris des nouvelles idées qui pourraient tous nous aider en ce moment même ?
Ses yeux lourds de mascara s'attardèrent sous mon exemplaire de la maquette, désireux de voir ce que j'y cachais. Je regroupai soigneusement toutes mes feuilles de travail avant de poser mes coudes dessus.
– Non, non, bafouillai-je comme une adolescente qui craignait que son professeur mette la main sur des petits mots compromettants, c'est juste ma… liste de course. Des choses que je ne veux pas oublier pour le dîner de ce soir.
Je n'arrivai pas à croire que je venais de sortir cette énormité devant l'ensemble de la rédaction dont la moitié des membres considérait déjà que je n'avais pas ma place ici.
Un silence pesant s'abattit pendant quelques secondes dans la grande salle de réunion. Seul le bruit grésillant du panneau LED au plafond qui s'éteignait et se rallumait toutes les deux secondes rompait le silence de mort.
Helena, la rédactrice en chef du journal, se tenait comme toujours droite sur son siège comme un piquet, serrée dans un tailleur Chanel et ses mains manucurées jointes sur le bureau. Elle continuait de m'observer comme un parent déçu par son rejeton.
– Tu n'as donc pas suivi le dilemme dans lequel nous nous trouvons ?
J'étais de plus en plus mal à l'aise.
– Pas vraiment… Je suis désolée, répondis-je, embarrassée, pourriez-vous me… réexpliquer, succinctement ?
Helena tourna la tête vers Justine placée à sa droite, qui était chargée de la maquette de la revue. Cette dernière s'enfonça dans son fauteuil en me fusillant du regard avant de lâcher :
– Comptez pas sur moi. Je viens de faire un speech de quinze minutes.
Justine étant la favorite, (et accessoirement la nièce d'Helena), notre cheffe hocha la tête d'un air compréhensif avant de reposer les yeux sur moi. Elle prit une légère inspiration et commença :
– Justine nous expliquait quelles seraient les principales modifications de la nouvelle maquette : en résumé il s'agira de la ligne éditoriale dont nous avons parlé la semaine dernière, si du moins tu t'en souviens, (Justine fit mine d'étouffer un gloussement), d'un sommaire plus épuré, des typographies modernisées et surtout du nouveau graphisme. Justine propose de nous baser sur trois couleurs maximum dont deux principales : garder le rose crème qui fait notre identité et ajouter davantage de vert afin de signifier notre intérêt de la mode éthique et durable, respectueuse de l'environnement.
– Donc, continua-t-elle un peu plus fort en poussant vers moi des feuilles remplies d'une dizaine d'échantillons de verts différents, nous hésitons entre le vert pomme acide, le vert prairie et le vert émeraude. Qu'en penses-tu ?
Je pris le temps d'observer attentivement les trois couleurs proposées sur le papier, puis les trois simulations de maquettes de mauvaise qualité projetées numériquement sur le mur.
– Nous étions tentés par l'émeraude, me dit gentiment ma collègue Leïla, ma seule véritable alliée ici, mais on pensait que ce serait peut-être trop… audacieux, trop osé.
Certains autour de la table approuvèrent de la tête, sans oser directement me regarder. Bon. Il fallait que je me rattrape et que je donne un avis tranché et argumenté.
Je m'éclaircis la voix avant de répondre d'une voix que j'espérais assurée :
– Selon moi, l'émeraude est la meilleure option. C'est en effet la couleur la plus vive, mais quitte à moderniser la maquette, autant le faire jusqu'au bout. Ça donne un coup de peps par rapport à notre rose crème plutôt sage et cela devrait rajeunir le journal, surtout au niveau de la couverture. Ça attirera l'attention d'un lectorat plus jeune, sûrement plus sensible à l'écologie et à l'éthique sans que cela perturbe notre lectorat régulier et habituel. Au contraire, les femmes d'âge mûr apprécient la jeunesse, la modernité et la prise de risque.
Tous les yeux qui étaient posés sur moi glissèrent jusqu'à Helena, guettant une réaction qui ne se fit pas attendre. Elle esquissa un sourire en ma direction :
– Bien. Contente de te voir de nouveau parmi nous Clémence.
Puis, en s'adressant aux autres :
– Je suis d'accord. Et vous autres ?
Je soufflai pendant que Leïla approuvait énergiquement de la tête et que mes collègues prirent un temps de réflexion, n'osant de toute manière pas aller contre l'avis de leur boss.
La réunion hebdomadaire se termina cinq minutes plus tard, le vert émeraude ayant été finalement désigné comme seconde couleur principale. Justine n'avait d'ailleurs plus dit un mot depuis mon intervention, se contentant de prendre rageusement des notes.
La salle de réunion se vida progressivement et je pris le temps de ranger mes papiers. Je retrouvai le croquis que j'étais en train d'esquisser avant qu'Helena ne m'interrompe. C'était un modèle d'un tailleur de travail pour femme agrémenté d'un bustier en perle.
En soupirant, je glissai délicatement le dessin au fond de ma pochette sous mes autres papiers avant de me lever et quitter la pièce, éteignant les lumières et rabattant le caquet au panneau LED dysfonctionnant.
À 18 h 30, je me laissai retomber lourdement sur mon siège de bureau en baillant. Je venais de valider mon dernier article avec la secrétaire de rédaction et ça avait mis un sacré bout de temps, je n'avais pas vu l'heure passer. En rassemblant mes affaires pour partir, je remarquai un appel en absence qui s'affichait sur mon portable. Ma sœur, Claire. Elle m'appelait rarement, hormis pour m'inviter aux repas familiaux, me faire des reproches pour n'importe quelle raison, ou m'annoncer le nouvel événement qui rendait sa vie à chaque fois un peu plus parfaite. En soupirant, j'écoutai le message oral qu'elle m'avait laissé, m'attendant à ce qu'elle m'annonce qu'elle avait dîné hier avec une des célébrités les plus en vogue du moment.
Le message fut concis, direct, et ne dura pas plus de vingt secondes.
« Bonsoir Clém. Toujours aussi occupée à ce que je vois. C'était seulement pour te dire que les parents viennent déjeuner chez nous dimanche, tu veux te joindre à nous ? N'hésite pas à dire à Laurent de t'accompagner, nous étions tous très déçus qu'il ne soit pas venu la dernière fois. Mon amie Veronica aurait tant voulu rencontrer ce journaliste financier si réputé dont je lui parle si souvent ! Bon, rappelle-moi pour une fois, bye ! »
La voix féminine enregistrée commença son laïus sur les différentes options possibles concernant le sort du message et j'appuyai rageusement sur la touche trois pour le supprimer.
Ma sœur était toujours aussi aimable. Et elle aimait plus que tout remuer le couteau dans la plaie : Laurent m'avait plantée au dernier brunch qui avait eu lieu chez elle il y a quelques semaines, m'annonçant au dernier moment qu'il devait absolument terminer un article à la suite de la baisse brutale de la Bourse. Il était l'un des journalistes financiers les plus suivis de la capitale, et les entreprises en bourse tremblaient face à ses critiques souvent tranchées. Quant aux actionnaires, qui composaient une bonne moitié de son cercle d'amis, ils suivaient attentivement ses avis et prédictions. En bref, il faisait la pluie et le beau temps dans le milieu financier parisien et j'avoue que je n'étais pas peu fière d'avoir été « l'élue de son cœur » depuis maintenant un an et demi.
Au moment d'entrer dans la bouche de métro, mon portable vibra. Un message de Laurent, qui me conseillait de ne pas l'attendre pour dîner car il irait certainement manger avec sa rédaction à l'occasion du pot de départ du dernier stagiaire.
C'était le principal inconvénient de vivre avec Laurent, il passait la majorité de son temps avec son équipe, au journal ou à l'extérieur, en déplacement. Et comme toujours, je n'étais pas conviée aux dîners avec ses collègues, puisque « tu sais, ce sont surtout des prolongements de nos réunions de travail ». Depuis que je connaissais Laurent, il ne m'avait jamais présenté à ses collègues. Au mieux, je les avais aperçus une fois de loin lorsque je l'attendais en bas de l'immeuble de leur rédaction. Alors que je m'approchais de lui en les voyant sortir, il s'était empressé de venir vers moi pour me prendre par la taille et m'entraîner vers la bouche de métro la plus proche. J'avais à peine pu saluer ses collègues d'un petit signe poli de la main, regrettant de ne pas pouvoir me présenter. Laurent avait donc tendance à me tenir éloignée de son travail alors qu'il connaissait déjà quasiment tous mes collègues. Il était même déjà venu il y a quelques mois dans nos bureaux pour dédicacer son dernier livre à mes collègues féminines, soudain transformées en groupies face au journaliste financier le plus célèbre de Paris qui passait régulièrement dans les émissions télévisées politiques et économiques.
Quand je lui avais exprimé timidement mon envie de rencontrer ses collègues, (journalistes comme moi après tout !), il m'avait simplement répondu : « ce sont des mecs qui parlent que de chiffres à longueur de journée tu sais. »
Il ne fallait pas penser à tout ça. Ce n’était pas le plus important, pensai-je alors que je me calai dans un coin de la rame de métro bondée à cette heure. Le plus important c'était la Fashion Week qui commençait dans deux semaines. J'avais eu l'honneur de me voir proposer par Helena de couvrir l'événement avec le photographe de la rédaction. J'étais vraiment heureuse qu'elle me fasse confiance, j'allai pouvoir même assurer les interviews avec les plus grands couturiers qui venaient à Paris pour l'occasion et assister à tous les défilés majeurs de l'événement.
Au bout de quinze minutes de trajet, je sortis enfin du métro et traversai l'avenue Raymond Poincaré pour me rendre au pied de mon immeuble. Si j'habitais dans un aussi beau quartier, c'était grâce à Laurent ; j'avais emménagé dans son vaste F3 il y a six mois, ce qui me rapprochait considérablement de mon lieu de travail.
Ma sœur me répétait continuellement que j'avais de la chance d'être tombée sur un gars comme lui. Je crois que si elle n'avait pas déjà été mariée, elle n'aurait pas hésité à le draguer sous mon nez. Après tout, elle l'avait déjà fait le soir de mes 18 ans, avec mon premier petit ami.
J'ouvris la porte de l'appartement et retirai rapidement mes talons hauts pour ne pas abîmer le vieux parquet en chêne auquel Laurent tenait particulièrement. J'allumai les lumières avant de m'effondrer sur le canapé. J'écoutai le silence, le même que je retrouvais quasiment chaque soir en son absence.
La fin de semaine se déroula normalement, bien que l'effervescence à l'approche de la Fashion Week commençât à se faire sentir. Helena était de plus en plus directive et Justine chaque jour un peu plus désagréable.
Dès le samedi après-midi ma mère m'avait appelé pour s'assurer que je serai présente au déjeuner de ma sœur le lendemain.
– Tu n'as pas répondu à Claire, me dit-elle sur un ton de reproche, on ne te voit presque plus en ce moment.
Et avant même que je puisse me justifier, elle posa LA question fatidique :
– Laurent sera là ?
Sa voix haut perchée trahissait ses espérances (ou plutôt ses exigences) de le voir à mon bras à ce fichu déjeuner.
Je réussis à m'en sortir en bafouillant un « oui normalement, tu sais il est très occupé par son boulot… », avant de raccrocher. Pas une fois durant la conversation téléphonique ma mère ne m'avait demandé comment j'allais.
C'était donc à contrecœur et en traînant des pieds que je me rendis chez ma sœur qui habitait dans une belle résidence du XVIe arrondissement, à seulement quelques minutes de chez nous. J'y allais à pied, profitant du calme relatif d'un dimanche matin à Paris. Dès que je fus en bas de son immeuble, j'entendis la musique house de son toit-terrasse.
Je commençais à avoir de plus en plus de doutes sur l'aspect familial de ce déjeuner quand je montai dans le vaste ascenseur, jusqu'à ne plus en avoir du tout au moment où je sonnai à la porte. La musique, sans être assourdissante, était suffisamment forte pour importuner tout le voisinage en ce jour dominical.
Mais que voulez-vous, ma sœur a toujours aimé attirer l'attention. Ce n'est d'ailleurs pas elle qui ouvrit, oh que non. Deux jeunes femmes qui venaient de surgir bruyamment derrière moi me poussèrent sur le palier avant d'ouvrir la porte et entrer dans l'appartement comme si elles étaient chez elles. La voix de Lenny Kravitz me sauta aux oreilles et résonna alors dans toute la cage d'escalier. Je me faufilai prestement dans leur sillage et cru m'être trompée d'étage un bref instant. Ébahie, j'observai le vaste salon de ma sœur entièrement repeint et réaménagé. Tous les meubles noirs et design avaient disparu pour laisser place à un environnement entièrement blanc, ponctué uniquement d'éléments rouge sang comme les quelques sièges et le vaste canapé. Ça en faisait mal aux yeux. Quand étais-je venue la dernière fois ? Il me semble que c'était il y a une quinzaine de jours, pour donner le cadeau d'anniversaire à mon neveu.
– Ça fait un choc n'est-ce pas ?
Je sursautai alors qu'Alexandre, mon beau-frère, posait une main amicale sur mon épaule pour me faire la bise.
- Et bien… oui, je ne m’attendais pas à ça, bafouillai-je.
Alex éclata de rire en faisant tourner les glaçons de son whisky.
– On est d'accord, c'est une horreur. Mais tu connais ta sœur, elle adore le changement et quand je suis rentré du boulot avant-hier c'était comme ça, aseptisé. J'ai donc l'impression de ne jamais quitter l'hôpital, bientôt je pourrai opérer sur la table de la salle !
Je ris spontanément. Alexandre était chirurgien à l'hôpital Necker. De toute la famille, c'était le seul qui ne m'accablait pas de reproches à chaque réunion familiale et faisait preuve de gentillesse à mon égard. Claire se demandait sûrement ce que mon mec pouvoir bien me trouver et moi je me demandais la même chose au sujet du sien.
Me prenant par les épaules, il m'attira vers le toit-terrasse qui semblait bondé d'invités.
– Allez, viens, traversons donc cet horrible bloc opératoire pour rejoindre les autres.
Je notai également qu'il ne m'avait pas demandé pourquoi Laurent ne m'accompagnait pas et je l'en remerciai intérieurement. C'est à ce moment que mon neveu de quatre ans, venu d'on ne sait où, se précipita sur moi. Il grimpa sur mes pieds en me tendant les bras. Je le soulevai difficilement ; il commençait à peser son poids.
– Alors Edouard, comment tu vas ? T'arrête pas de grandir dis donc !
– Tu dis tout le temps ça Tata !
Je souris, et avant de sortir sur la terrasse, je jetai un coup d'œil à la vaste cuisine high-tech où ma sœur, perchée sur des Louboutin de 10 cm, était en train de donner ses instructions à deux serveurs aux costumes noires impeccables. Elle avait donc fait appel à un traiteur pour son déjeuner ?
Je commençai à regretter d'avoir simplement enfilé un short, tee-shirt et mes vans. Ma mère confirma mon sentiment dès que j'eus posé les deux pieds sur la vaste terrasse où une cinquantaine de personnes bien endimanchées riaient, bavardaient et trinquaient.
Elle se précipita sur moi avec une expression outrée :
– Clémence ! Tu as vu ton accoutrement ? s'exclama-t-elle avec si peu de discrétion que les quelques personnes proches de nous nous jetèrent un regard amusé.
Alex me lança un clin d'œil en disant :
– Je te ramène tout de suite un cocktail.
Il fila avant même que j'eusse le temps de le remercier et Edouard gigota dans mes bras pour que je le laisse descendre. Il courut derrière son père qui se dirigeait vers le buffet, certainement dans l'espoir de piquer quelque chose à manger. Je me tournai courageusement vers ma mère, qui était sur son 31 comme toujours. Comme ma sœur, elles avaient les mêmes cheveux noirs de jais impeccablement coiffés et de grands yeux bleu foncé agrémentés du même nez aquilin, impérieux.
– Bonjour maman. Claire m'avait parlé d'un simple déjeuner en famille, et comme je porte déjà mes talons toute la semaine…
Elle secoua une main parfaitement manucurée et chargée de bagues en or sous mon nez.
– Foutaises. Tu n'es pas obligée de porter des talons pour être élégante. Je ne mettrai même pas ce… type de tenue pour sortir Kiki vois-tu, dit-elle en m'analysant de haut en bas.
J'ouvris la bouche pour lui rétorquer que de toute manière c'était Mathilde sa bonne à tout faire qui sortait habituellement Kiki, son pékinois, mais elle ne m'en laissa pas le temps :
– Et quand je pense que tu travailles dans un magazine de mode…
Sa dernière remarque me glaça et je ne trouvai rien à répliquer. Heureusement Alex arriva avec ce qui ressemblait à une piña colada, accompagnée de Claire qui, elle aussi, jeta un coup d'œil surpris à ma tenue mais s'abstint de tout commentaire.
Elle m'embrassa rapidement et m'assaillit d'un flot de paroles « Ohlala je ne t'ai pas entendu rentrer… excuse-moi, je suis débordée là. Les serveurs que nous a envoyés le traiteur sont peu loquaces ! Comment trouves-tu la nouvelle déco ? Bien, n'est-ce pas ? C'était une surprise pour Alex tu comprends, et il a-dore, (clin d'œil complice du concerné qui me tendait un verre), oh non les voisins, aucun souci, je les ai tous invités. Excusez-moi, je vois qu'un de mes investisseurs est arrivé… »
Elle se détourna pour se diriger vers un homme grand et élancé avant de se retourner brusquement dans ma direction au dernier moment avec des yeux écarquillés :
– Mais… Clémence, où est donc Laurent ?
Elle venait de prendre la voix haut perché de maman qui m'exaspérait tant.
Je me fendis d'un large sourire avant de répondre :
– Il arrive… bientôt. Il terminait un dossier.
Elle hocha la tête d'un air satisfait avant de disparaître dans le flot des invités.
Je me tournai à mon tour vers ma mère mais elle aussi avait disparu.
« Quelle agréable petite réunion familiale », pensai-je ironiquement en me dirigeant vers le buffet, garni de cocktails, champagne et amuse-gueules. Je me servis généreusement avant de me réfugier dans un coin de la terrasse, observant ce joli petit monde. Hormis l'âge qui variait, tous les invités étaient des clones de leur hôte. Bien apprêtés, souriants et brandissant le dernier iPhone, ils se conduisaient tous de la même façon, comme s'ils étaient en constante représentation.
Laurent se plaisait à ce genre de réunions, il était même comme un poisson dans l'eau. Moi j'avais plus de mal. Mis à part Alexandre, je ne m'étais jamais amusée parmi les amis de ma sœur. « Pourtant, c'est plus ou moins le milieu dans lequel tu baignes au boulot, non ? », m'avait un jour fait la remarque Laurent, agacé par mes plaintes.
Sa remarque m'avait donné l'occasion de réfléchir. Il est vrai que je ne supportais pas certains de mes collègues, mais je ne détestais pas ma boss, qui était compétente et qui m'avait tout appris dans ce métier. Je rencontrais et fréquentais des personnes très différentes auxquelles je m'adaptais et qui avaient tous le point commun d'adorer la mode. Ou les fringues, les vêtements, les fripes… Tous n'employaient pas le même mot mais consacraient leur vie à la même chose. À partir de là, la machine fonctionnait.